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LE RAPPORT BLANCHET
son contenu, notre analyse

Par Le Syndicat National des Personnels de Direction de l'Education Nationale

Sommaire

I. Les raisons d'un mal être

1.1 Des contraintes qui s'accumulent
1.2 Des moyens
1.3 Une condition insatisfaisante

II. les missions et l'organisation des etablissements

2.1 - Les missions de l'établissement
2.1.1. - La formation
2.1.2 - L'insertion
2.1.3 - La socialisation
2.2 - L'organisation de l'établissement
2.2.1 - En fonction des élèves
2.2.2 - Autour d'un projet
2.2.3 - A travers des instances démocratiques
2.3 - L'organisation entre établissements
2.3.1 - La taille des établissements
2.3.2 - Le travail en réseau
2.3.3 - Un seul EPLE avec plusieurs localisations?
2.4 - L'établissement et sa hiérarchie
2.4.1 - De la directive au contrat
2.4.2 - De l'anonymat au dialogue
2.4.3 - Vers une fonction de proximité

III. le pilotage de l'etablissement

3.1 - Le chef d'établissement : rôle et responsabilités
3.1.1 - Les composants du métier
3.1.2 - Les moyens d'action
3.2 - La direction : chef d'établissement et adjoint(s)
3.2.1 - Qui fait quoi?
3.2.2 - Quelles missions pour un établissement donné?
3.3 - Un travail d'équipe
3.3.1 - Une équipe - Quelle équipe?
3.3.2 - Des configurations variées

IV. La situation des personnels de direction

4.1 - Le vivier et le recrutement
4.1.1 - L'état des lieux
4.1.2 - Elargir - Pourquoi? Jusqu 'où?
4.1.3 - Les conditions et modalités de recrutement
4.1.4 - La situation des actuels faisant fonction
4.2 - La formation
4.3 - La carrière
4.3.1 - La rémunération
4.3.2 - L'évaluation
4.3.3 - La mobilité
4.3.4 - Des débouchés vers d'autres métiers

I. LES RAISONS D'UN MAL ETRE                    sommaire

Le malaise évoqué dans la lettre de mission des ministres est réel : on le perçoit à travers les déclarations syndicales, mais aussi sur le terrain, et toutes les synthèses académiques l'ont relevé. Les chefs d'établissement sont attachés à leur métier, dont ils connaissent l'importance pour le système éducatif, mesurent les enjeux sociaux et apprécient la richesse, même lorsqu'elle est source de complexité. Mais précisément parce qu'ils ont, à juste titre, une haute idée de ce métier, ils déplorent de n'être pas en bonne situation pour l'exercer.

Divers facteurs concourent à ce sentiments, souvent proche de la frustration. D'abord l'alourdissement des tâches, qui résulte pour une part de l'évolution sociale et pour une autre part - moins justifiable - de la multiplicité des demandes en provenance de la hiérarchie administrative; Ensuite une disproportion entre les responsabilités de toute nature et les moyens d'action accordés pour y faire face; Enfin une impression de solitude par rapport aux autorités supérieures, et d'incertitude quant aux attentes précises de l'institution et aux perspectives de carrière.

1.1 Des contraintes qui s'accumulent                   sommaire

De même que l'Ecole, les chefs d'établissement voient s'accroître et se diversifier les tâches qui leur incombent. La nécessité de mener au succès des élèves dont l'hétérogénéité est à la mesure de la démocratisation de l'enseignement impose de recourir à des formes d'accueil, de pédagogie et de parcours scolaires plus individualisés qu'autrefois et complexifie par là même le fonctionnement des établissements. La crise de l'autorité (ou des valeurs qui la sous-tendent) engendre des comportement d'incivilité qu'il faut savoir endiguer et prévenir, les difficultés économiques auxquelles se heurtent certaines familles font que des enfants se trouvent délaissés et, en mal de repères comme d'espérance, rejettent l'Ecole au même titre que la société ; dans les deux cas, on compte sur les établissements pour pallier la défaillance des structures parentales, mission qu'il ne sont pas toujours préparés à assumer ("le chef d'établissement doit réussir là où tous les autres ont échoué").

Par ailleurs, les pressions exercées sur les chefs d'établissement se multiplient : attitudes consuméristes de parents en quête de "bonnes" classes, campagnes médiatiques autour d'une réforme, d'un palmarès ou d'un incident, intérêts parfois divergents au sein de la communauté éducative et entre lesquels il faut arbitrer. D'où le sentiments d'être "surexposés", voire transformés en "boucs émissaires" auxquels sont imputées toutes les difficultés non résolues, y compris lorsqu'elles ne peuvent trouver de solution qu'à un autre niveau territorial ou hiérarchique.

A cette surexposition s'ajoute la surcharge. D'une part, la corbeille s'alourdit d'obligations nouvelles dont les chefs d'établissement ne contestent pas l'utilité pour le bon fonctionnement du système, mais qui ne sont pas assorties des moyens matériels ou institutionnels nécessaires : sont souvent cités, notamment, la gestion des aides éducateurs, des fonds sociaux et des bourses des collèges, ainsi que le remplacement des enseignants absents pendant une courte période. D'autre part - et surtout - s'amoncellent les tâches dont l'utilité leur parat moins évidente : ainsi les "journées" ou "semaines" à thème qui s'ajoutent les unes aux autres sans programmation préalable et dont ils préféreraient que la liste soit fixée en début d'année scolaire. Mais ce sont surtout les demandes d'informations qui font l'objet de critiques, car le bilan coût en temps/avantages pour l'institution parat très négatif.

Ces demandes émanent aussi bien des services ministériels que de ceux des rectorats et des inspections académiques. Elles sont souvent redondantes, parfois répétitives, et impartissent presque toujours un délai de réponse très bref. "Chaque service s'imagine qu'on ne travaille que pour lui" constatent les chefs d'établissement, contraints de fournir presqu'au même moment des données identiques à des divisions différentes mais néanmoins voisines. L'interconnexion des destinataires (surtout au sein d'une même unité) est techniquement tout à fait possible mais ne semble jamais réalisée ; et les responsables ne se soucient guère de coordonner les demandes afin d'alléger la charge qu'elles représentent pour les établissements. Cet afflux provoque pourtant "la saturation" (voire, selon certains, "l'asphyxie"), et il est d'autant plus mal vécu qu'il parat correspondre à un dysfonctionnement des échelons supérieurs plutôt qu'à une nécessité véritable du pilotage ("les chefs d'établissement sont pourvoyeurs d'informations pour des sphères de gestion dont ils sont coupés et qui ne fonctionnent que sur leur logique interne").

Proposition 1 : interconnecter les services des rectorats et des inspections académiques ; désigner au niveau rectoral une personne chargée d'établir annuellement la liste des informations qui seront demandées aux établissements ; adresser cette liste aux établissements et à l'administration centrale ; prévoir des délais de réponse suffisants.

Les systèmes de gestion informatisés font l'objet de critiques tout aussi vives : lourds, peu conviviaux, trop souvent défaillants, ils représentent "une contrainte supplémentaire", d'autant qu'ils doublent souvent d'autres modes de communication. Plus généralement, on conteste l'esprit dans lequel ils ont été mis en place : "conçus pour améliorer la connaissance de la hiérarchie, ils ne sont pas des outils adaptés aux besoins des établissements" ; et même lorsqu'ils veulent répondre à cette seconde finalité, leur utilisation ne va pas de soi : la dernière version du TRMD est parfois établie manuellement, le logiciel "emploi du temps" est jugé déficient, les données intéressantes pour le pilotage ne peuvent pas être aisément repérées dans les tableaux IPES.

Proposition 2 : prendre en compte les besoins et les contraintes des établissements dans la conception des systèmes d'information de gestion informatisés.

De toutes ces charges - dont certaines, il faut y insister, pourraient et devraient être immédiatement allégées - résulte une perte de temps et d'énergie dommageable pour la fonction de direction : lorsque les mille et une tâches quotidiennes se font trop absorbantes, il est difficile d'animer, de coordonner et de planifier. Voir leurs missions hiérarchisées et "recentrées sur l'essentiel" pour ne plus être "englués dans l'immédiateté" est un vúu unanimement formulé par les chefs d'établissement ; ils déplorent de se trouver dispersés, talonnés, engorgés par un trop plein d'activités superficielles qui les empêche de prendre le recul indispensable à l'exercice de leur métier. "Donnez-nous le temps de diriger" demandent-ils, relevant au passage que l'image actuelle de leur fonction, envahie par "l'administration" au sens le plus réducteur du terme, n'incite guère les enseignants de leurs établissements à se présenter au concours de recrutement.

1.2 Des moyens                   sommaire

La possibilité de diriger efficacement un établissement dépend aussi, pour une large part, des moyens disponibles : personnels à qui l'on peut confier un certain nombre de tâches, et pouvoirs autres que d'incitation pour obtenir la contribution des membres de la communauté éducative aux activités déterminées par les autorités hiérarchiques ou le projet d'établissement.

A supposer même que le poids des obligations "administratives" soit allégé, bon nombre d'entre elles pourraient être accomplie non par les chefs d'établissement eux-mêmes, mais sous leur surveillance. Or, le staff qui les entoure n'y suffit pas : l'adjoint (quand il existe) doit seconder plutôt que décharger, le gestionnaire a son propre champ de compétences - y compris financières - le CPE se consacre en priorité à la vie scolaire, le secrétariat est trop peu fourni ou qualifié, la maintenance et l'aide à l'utilisation des matériels informatiques ne peut être assurée. On reviendra plus loin sur l'organisation souhaitable de l'équipe entourant le chef d'établissement, mais il convient de souligner dès à présent qu'elle devrait être étoffée : la fonction de stratège qu'implique le poste ne peut être exercée pleinement et sereinement si elle est parasitée en permanence, suivant une expression souvent entendue, par "l'obligation de jouer les bouches-trous".

Dans un autre ordre d'idées, les chefs d'établissement regrettent de manquer de moyens pour influer sur la situation et le comportement des personnels. Ils jugent les missions et obligations statutaires insuffisamment clarifiées, et inadaptée la notation administrative "telle qu'elle existe aujourd'hui, c'est à dire enfermée dans des règles et des barèmes stricts". Ils souhaiteraient récompenser l'investissement personnel et, à l'inverse, ne pas "consolider les frilosités, les immobilismes, voire les insuffisances", mais éprouvent à cet égard un sentiment de relative impuissance car ils n'ont pour levier que leur force de persuasion (et parfois, pour les enseignants, quelques HSE).

Pourtant, il est clair que la réussite d'une politique d'établissement dépend de l'engagement de tous et que l'impossibilité de reconnatre cet engagement a, de part et d'autre, quelque chose de décourageant. Même la mise en úuvre des directives ministérielles est parfois rendue malaisée par l'insuffisance des moyens d'action institutionnels : comment, par exemple, convaincre un professeur réticent de remplacer un collègue absent, et pourquoi faire reposer in fine sur les seuls chefs d'établissement la responsabilité de la consigne "pas de classe sans enseignants" alors qu'ils ne peuvent compter que sur la bonne volonté de chacun ? Ils n'aspirent pas à régenter les carrières, mais à exercer sur elles - et pour le champ qui les concerne - une influence à la mesure de la connaissance qu'ils ont des intéressés. Et, dans la vie quotidienne des établissements, ils ne revendiquent pas le pouvoir de distribuer discrétionnairement bons points et punitions, mais voudraient qu'on leur donne des possibilités plus réelles d'encadrer efficacement les activités, afin que toutes "aillent dans la même direction".

1.3 Une condition insatisfaisante                   sommaire

Des inquiétudes mêlées d'amertume se font sentir dans plusieurs domaines. On mentionnera en premier lieu les relations avec "la hiérarchie" (rectorats et inspections académiques), à laquelle sont reprochés une attitude plus voisine de la direction que du pilotage, et un éloignement qui ne s'explique pas uniquement par la géographie. A une époque où l'on prône la politique contractuelle et une gestion plus attentive des ressources humaines, les modes de commandement traditionnels (parfois qualifiés avec sévérité) sont malaisément supportés : pourquoi faut-il, demandent maints chefs d'établissement, que l'attribution des moyens demeure aussi mécanisée, que le TRMD soit unilatéralement modifié, que le contrôle a priori l'emporte sur l'évaluation et que la concertation soit aussi rare ?

"La notion d'équipe doit aussi s'appliquer à l'interface tutelle-établissement" ; de ceux-ci émane un message qui doit être écouté, et leurs chefs voudraient qu'on leur fasse davantage confiance pour appliquer les directives ministérielles en tenant compte des spécificités de l'unité éducative dont ils ont la charge.

"Confiance" est un mot souvent entendu, qui exprime un souhait . "Solitude" qui traduit un regret mais aussi l'inquiétude, revient tout aussi fréquemment. "Nous sommes isolés bien qu'au front" : les corps d'inspection n'apportent pas toujours le soutien nécessaire à la mise en úuvre des réformes, des informations importantes sont connues des organisations syndicales avant d'être transmises aux chefs d'établissement -(qui les apprennent parfois par les média ou les personnels élus au conseil d'administration), l'aide apportée par les services académiques en cas de difficulté est parfois insuffisante. De manière générale, la communication est jugée lacunaire parce que principalement descendante et, de surcrot, écrite : les recteurs connaissent mieux les proviseurs que les principaux, et davantage ceux du chef-lieu que des zones éloignées, certains inspecteurs d'académie ne sont pas assez attentifs aux établissements, et les réunions au cours desquelles pourraient être débattues des questions ayant une incidence directe sur les politiques à suivre sont beaucoup trop rares.

Quant à l'inquiétude, elle s'exprime tout particulièrement à propos d'une éventuelle mise en jeu de la responsabilité pénale. Bien que les exemples en soient jusqu'ici très nombreux, maints chefs d'établissement redoutent que la judiciarisation de la société ne gagne bientôt l'Ecole, et qu'on leur impute à faute une situation contre laquelle ils ne pouvaient rien. Les équipements défectueux sont l'une des principales causes d'accident, mais l'entretien incombe aux collectivités territoriales de rattachement : que faire lorsque celles-ci tardent à entreprendre les réparations ou réfections nécessaires ? On reviendra plus loin sur ce que devrait comporter la formation initiale et continue en matière de connaissances juridiques, notamment pour la prévention du contentieux. Mais deux propositions peuvent être dès maintenant avancées :

Proposition 3 : L'administration centrale devrait publier aussitôt que possible le guide juridique annoncé aux chefs d'établissement ; les services juridiques des académies devraient êtres étoffés et comporter, dans les IA, des relais capables de conseiller les chefs d'établissement pour les affaires simples et de les aiguiller des autorités qualifiées lorsque la question est plus grave ou complexe.

Proposition 4 : Les collectivités territoriales pourraient être incitées à déléguer aux établissements des crédits de maintenance leur permettant de faire procéder eux-mêmes aux réparations urgentes mais de portées financière limitée.

Enfin des insatisfactions se manifestent à propos du statut personnel. La position d'adjoint est jugée ingrate parce que mal définie et dépourvue de l'aura, voire de l'autorité des chefs. Excepté ceux qui ne souhaitent pas se trouver en première ligne, les adjoints jugent parfois difficile de vivre "dans le sillage ou dans l'ombre" de quelqu'un qui est à la fois leur pair et leur supérieur, et voudraient que le "rite initiatique" obligatoire pour accéder à la fonction de proviseur ou de principal ne se prolonge pas trop longtemps.

D'autre part, les conditions de rémunération offertes, surtout en début de carrière, sont très généralement contestées. Est-il normal que les dirigeants d'un établissement, dont les horaires de travail, les contraintes et les responsabilités dépassent ceux des autres membres de la communauté éducative, soient moins bien rétribués1 que certains de ceux-ci, et une telle situation serait-elle concevable dans d'autres secteurs d'activité publics ou privés ? Est-il normal, aussi, que certains logements de fonction soient malcommodes au point que leur occupation ne peut être considérée comme un avantage en nature mais bien plutôt comme une contrainte supplémentaire ? Est-il normal, enfin, que les personnels de direction débutants, notamment les enseignants agrégés, reçoivent une rémunération moins importante que celle qu'ils percevaient dans leurs anciennes fonctions lorsqu'elles étaient assorties d'heures supplémentaires, et n'y-a-t-il pas là une cause de la faible attractivité du concours de recrutement ?

Des propositions concernant ces différents points seront faites dans la dernière partie du rapport. Mais il convient de relever d'emblée que les insatisfactions relatives aux conditions de rémunération et de carrière rejoignent les doléances qui ont trait aux conditions d'exercice du métier : les unes et les autres concourent à donner aux chefs d'établissement le sentiment que leur fonction est insuffisamment reconnue, à la fois institutionnellement et socialement. Ce sentiment, justifié pour une bonne part, mérite d'être pris en considération : on peut en effet estimer qu'au moment où des réformes vont accrotre le besoin d'une coordination efficace et d'un pilotage vigilant, tout ce qui contribue à valoriser la fonction de direction sert la cause des établissements et des élèves autant que celle des personnels intéressés.

Les suggestions qui seront formulées résultent de "l'état des lieux" auquel a procédé la table ronde : si les souhaits des participants ont été en certains cas différents, le constat des problèmes à résoudre recueille un très large assentiment. Les solutions préconisées dépassent parfois le cadre des établissements, car le fonctionnement de ceux-ci est inséparable du système dont ils constituent le maillon premier - dans les deux acceptions du terme. Certaines on trait au maillage du territoire, d'autres aux rapports avec la hiérarchie ou à la répartition des fonctions ; elles sont parfois assorties d'alternatives, et s'efforcent de prendre en compte les différences de taille et de situation des établissements, qui retentissent sur la nature des activités qui y sont conduites. Conformément à la logique retenue par la table ronde, elles vont du plus général - les missions dévolues aux établissements et l'organisation qu'elles supposent - au plus particulier : les tâches incombant aux chefs d'établissement et le statut fonctionnel et personnel qu'il convient de leur reconnaître.

II. les missions et l'organisation des etablissements                   sommaire

Des premières comme de la seconde image parait aujourd'hui "brouillée", car le schéma traditionnel s'est progressivement estompé sans qu'un autre, mieux adapté aux réalités d'aujourd'hui, s'y soit véritablement substitué. Le temps n'est plus où les professeurs enseignaient isolément des disciplines peu nombreuses dans des classes composées d'élèves peu différenciés : les actions pédagogiques transverses, les groupes de langue ou de besoins, les options multiples ont fait éclater le cloisonnement des divisions et donné à la confection des emplois du temps des allures de casse-tête ; aux disciplines anciennes se sont ajoutés des enseignements que l'Ecole d'hier n'imaginait pas avoir à dispenser, comme la prévention des toxicomanies ou la sécurité routière; les réformes successives (cycles, modules, classes de consolidation, spécialités engendrent des incertitudes, et la diversité de la population scolaire oblige à des adaptations qui ne vont pas toujours sans difficultés.

Et pourtant, on continue à raisonner comme si tous les établissements étaient en mesure de faire face aux multiples priorités, simultanées ou successives, qui leur sont imposées, et surtout comme s'ils étaient tous équivalents. Hormis le cas particulier des ZEP, la réglementation est identique pour l'ensemble des 'EPLE', qu'ils aient 70 ou 2000 élèves, qu'ils desservent majoritairement des milieux aisés ou défavorisés, qu'ils soient situés au cour d'une grande ville ou isolés en zone rurale. Considérer comme homogène la "catégorie" des EPLE en leur imposant des contraintes et une organisation analogue n'a plus grand sens ; ils peuvent être aussi dissemblables que le sont les élèves, et l'égalisation des chances entre ceux-ci comme l'égalité républicaine entre unités administratives composant un même service public justifieraient plutôt de substituer à cette uniformité artificielle une différenciation raisonnée, établie en fonction d'objectifs communs. Bien entendu, les grands principes du service public et les obligations générales d'éducation doivent valoir pour tous les établissements, car il faut que tous les élèves puissent en bénéficier ; mais l'organisation du réseau devrait être revue pour que ces missions soient plus efficacement accomplies.

2.1 Les missions de l'établissement                   sommaire

Elles découlent des missions assignées à l'Ecole, que définit ainsi l'article 1er de la loi d'orientation du 10 juillet 1989 : "le droit à l'éducation est garanti chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté". On peut les regrouper sous trois rubriques, qui ne sont simples qu'en apparence ; il ne s'agit pas ici de les détailler, mais simplement d'en faire apparaître les conséquences qu'elles emportent sur le fonctionnement et l'organisation des établissements.

2.1.1. La formation
L'établissement est le lieu où se transmettent et s'approprient les connaissances, mais les offres de connaissances qui émanent des établissements ne sont pas toujours analogues : dans tel collège l'éducation musicale fait défaut, tel autre ne propose qu'une seule LV 1 (bien évidemment l'anglais), des lycées se spécialisent dans l'apprentissage - coûteux - de langues rares, ou bien attirent par leurs sections internationales ou des classes préparatoires réputées, tandis que d'autres n'ont qu'une palette très restreinte. S'agit-il néanmoins d'EPLE équivalents, et ne conviendrait-il pas de mieux répartir l'offre globale par une coopération pouvant aboutir à une mise en réseau?

D'autre part, les connaissances ne coïncident plus nécessairement avec des champs disciplinaires spécifiques. Les TICE comme le feront bientôt les TPE, poussent à son terme la logique de transversalité mise au service d'un travail plus autonome de l'élève et qui s'exprimait déjà dans d'autres activités éducatives. Ils nécessitent une coordination intellectuelle et matérielle poussée : s'il revient principalement aux enseignants d'assurer la première, il appartient aux chefs d'établissement de rendre possible la seconde, tout en l'insérant au mieux dans les nécessités du fonctionnement quotidien.

Ce besoin de coordination s'accroît aussi avec l'accueil d'élèves plus hétérogènes qu'autrefois et pour la réussite desquels doivent être mises en place des stratégies diversifiées. Là encore les enseignants sont en première ligne, mais il est du rôle des chefs d'établissement de favoriser la constitution des équipes, d'organiser les cours et les activités, de prévoir les horaires et les locaux. En aidant à donner le pas "aux modes d'appropriation des savoirs et aux comportements efficaces pour les élèves" sur la structuration traditionnelle en disciplines, ils contribuent à la diversification des approches en fonction des besoins, devenant ainsi les vecteurs de l'innovation ; et faciliter, voire animer la réflexion collective autour de l'acte éducation, n'est-ce pas "le replacer au cour du dispositif"?

La loi d'orientation inscrit également l'éducation permanente dans les missions des établissements, mais cette activité ne parait pas susciter un intérêt démesuré : elle n'est évoquée dans aucune contribution, et n'a été mentionnée au cours de la table ronde qu'à titre de rappel symbolique - ou pour souligner la charge de travail qu'implique la présidence d'un GRETA et l'importance du budget géré. Sans doute les établissements n'ont -ils pas été suffisamment préparés à assumer cette mission, qu'ils jugent moins "naturelle" que les autres. Si l'on souhaite la renforcer, un rappel, vigoureux et précis, sera donc nécessaire. Mais il faudra aussi tenir compte de la position du Conseil d'Etat et de la Cour des Comptes, jugeant illégal, au nom du principe de spécialité, qu'un EPLE soit support d'un GRETA, et se demander si une autre structure de mise en commun des ressources et des activités ne serait pas mieux appropriée.

2.1.2 L'insertion
Une insertion professionnelle réussie suppose que les élèves soient aidés à construire un projet personnel et acquièrent "un niveau de qualification reconnu grâce auquel ils pourront exprimer leurs capacités à entrer dans la vie active" (rapport annexé à la loi d'orientation). Il en découle une obligation de résultat, d'ordre principalement pédagogique : prendre de chaque élève "une vision systémique, particulièrement importante pour celui qui est en difficulté", tenant compte de ses aptitudes, de ses besoins et de ses goûts pour l'assister dans l'élaboration d'une plausible stratégie d'avenir. Il en découle aussi une obligation de moyens, qui combine information, conseil et suivi : depuis l'organisation de forums sur les carrières, de rencontres et de stages permettant d'appréhender le monde du travail (lequel ne se limite plus au territoire national) jusqu'au tutorat et à la démarche "portefeuille de compétences", les établissements doivent faire preuve d'imagination et de persévérance pour mettre les élèves en position de préparer efficacement leur devenir professionnel.

Mais une orientation profitable doit se faire en fonction de la personnalité des élèves plutôt que des filières - ou du moins faut-il que la demande et l'offre de formation ne divergent pas à l'excès. "L'orientation au forceps des structures existantes" a été maintes fois constatée ; elle résulte pour une part de cartes scolaires mal conçues, et pour une autre part des politiques plus ou moins élitistes de certains établissements qui confondent autonomie et concurrence. Les affectations ne doivent avoir pour but ni de compléter artificiellement les effectifs d'une division, ni d'exclure des élèves dont les résultats ne paraîtraient pas à la hauteur du standing revendiqué par un établissement. En ce domaine également, la constitution de réseaux au sein desquels pourrait s'instaurer une coopération accrue semble nécessaire : elle permettrait en effet de rationaliser l'offre de formation en fonction des besoins constatés, et de mettre fin par là même à certaines situations injustifiées, si ce n'est injustes.

2.1.3-La socialisation
II faut entendre par là l'éducation à la citoyenneté et, plus généralement, à la vie collective. C'est désormais l'une des missions importantes de l'Ecole que de former des jeunes capables de s'intégrer pleinement à la cité et éventuellement désireux de participer plus tard à sa gestion. Elle doit se traduire dans les établissements par l'apprentissage des règles de conduite nécessaires à toute communauté humaine : tolérance mutuelle, respect de chacun dans son travail comme dans sa personnalité, acceptation raisonnée des notions d'ordre et de bien commun, avec, en regard, exercice réfléchi de sa propre liberté. L'initiation au civisme suppose la lutte contre les incivilités de toute sorte, mais aussi l'accoutumance à l'exercice de responsabilités : espaces de démocratie vivante 4 les établissements sont pleinement dans leur rôle lorsqu'ils organisent la formation des délégués élèves et les mettent en mesure d'exercer intégralement leur mandat, par exemple en leur offrant les moyens matériels nécessaires ou en leur explicitant les documents, parfois très complexes, sur lesquels ils sont appelés à se prononcer.

Après avoir longtemps été des partenaires oubliés , les élèves ont acquis en 1991, à leur niveau et comme tout usager d'un service public, le droit à la parole : droit de se réunir, de s'exprimer sur les conditions de vie et de travail que leur offrent les établissements, de gérer eux-mêmes clubs et foyers, de participer à la répartition des fonds sociaux. Ils doivent certes se garder d'oublier les obligations qui en sont la contrepartie, et il appartient aux chefs d'établissement de veiller, dans l'intérêt de toute la communauté scolaire, à ce que soit maintenu un juste équilibre. Mais les élèves qui acceptent des responsabilités électorales ou éditoriales apprennent et progressent en même temps qu'ils font bénéficier leurs camarades de ces activités et de leur propre expérience, ce qui a en soi un intérêt pédagogique et pourrait être considéré comme une mise en pratique des cours d'instruction civique. Et même si les instances de participation paraissent parfois coûteuses en temps, elles offrent des possibilités de désamorcer ou de prévenir les conflits qu'on ne doit pas sous-estimer. Au total, c'est une coopération plus égalitaire, donc plus confiante, entre jeunes et adultes que les réformes intervenues depuis 1991 tentent d'instaurer : il faudrait beaucoup d'irréflexion de part et d'autre pour qu'elle ne tourne pas à l'avantage de l'Ecole.

Une extension de cette mission citoyenne à l'extérieur des établissements est souvent pratiquée, avec l'assentiment entier ou même à la demande des collectivités territoriales : elle consiste à offrir aux habitants du quartier des activités culturelles (bibliothèque, expositions, représentations théâtrales...) ou des services, notamment dans le domaine des nouvelles technologies, dont ils ne disposent pas ailleurs. Particulièrement utile dans les zones économiquement ou géographiquement défavorisées, un tel rôle fait des établissements un vecteur de l'aménagement du territoire ; outre les avantages qu'il présente pour la population intéressée, il offre l'intérêt non seulement d'ouvrir les établissements sur leur environnement mais de les mettre en symbiose avec lui et de contribuer par là même à l'affermissement de la vie collective ; il devrait donc être encouragé.

2.2 L'organisation de l'établissement                    sommaire

L'organisation de l'établissement scolaire doit être conçue en fonction des élèves et autour d'un projet. Cette double exigence se concrétise démocratiquement à travers le fonctionnement régulier et, si possible, simplifié, des diverses instances réglementaires.

2.2.1- En fonction des élèves
II peut paraître surprenant d'aborder l'organisation des établissements en parlant des élèves. L'organisation n'est-elle pas d'abord, et parfois exclusivement, l'affaire des adultes?

Mais la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 affirme solennellement dès son article premier que le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants .

Conçu et organisé en fonction des élèves, nous sommes bien au cour du sujet.

Soyons clairs : il s'agit que l'élève soit au centre, ce qui ne veut pas dire que l'élève est roi. Il ne s'agit pas d'aduler, mais d'éduquer. L'élève au centre, cela veut dire respect de droits, mais aussi de devoirs. La loi précitée est, là aussi, parfaitement nette. Dans l'article 10, consacré aux droits et obligations des élèves, il est d'abord fait état des obligations : l'assiduité et le respect des règles de fonctionnement de la vie collective. Et si certains partenaires de la table ronde souhaitent que l'accent ne soit pas mis exclusivement sur les droits, la loi ne les contredit pas, ni dans sa lettre, ni dans son esprit.

Cependant qui peut nier l'existence d'une crise de l'autorité et du style de relation traditionnel ? On ne commande plus comme autrefois. La place de l'école dans la société a profondément changé. L'école était comme une cathédrale dans un village, elle devient comme une église de village au milieu des gratte-ciel. Pour le jeune aujourd'hui, l'Ecole est un média parmi d'autres. . Ou encore, comme le rappelait récemment Pierre-Gilles de Gennes : Nos enfants vivent dans un monde à deux pôles. Du côté du réel : le foot ou la bagarre. Du côté des écrans : la télé ou l'ordinateur.

Cette situation requiert de l'école une meilleure écoute des élèves. Le mouvement lycéen a constitué à cet égard un signal. Les jeunes ont envie d'écoute au moins autant que de moyens matériels. Ils sont angoissés et attendent du lycée une réponse à leurs questions. Si on n'y prend pas garde, toute forme de dialogue deviendra impossible. La première mission de l'Ecole est donc d'être à l'écoute de son public. . II faut considérer les élèves comme des interlocuteurs qui ont beaucoup de choses à exprimer.

Aussi est-il souhaité que le système éducatifs soit moins soumis au médiatique et se consacre davantage au recentrage sur l'élève. Placer l'élève au centre ce sera l' aider à se réaliser et à devenir citoyen, mobiliser sa créativité.

Il faut assurément rebâtir une relation entre adultes et élèves, un assentiment réciproque entre élèves et professeurs. Plus que jamais, la liberté pédagogique - des professeurs - doit devenir le moyen de la réussite des élèves. C'est du reste la seule justification de cette liberté. Cette exigence d'écoute et de dialogue ne concerne pas que les enseignants : elle s'impose à tous les adultes présents dans les établissements, au premier chef bien sûr les personnels chargés de la vie scolaire ou de la santé des élèves, mais aussi l'ensemble des personnels ATOSS, dont il faut réaffirmer le rôle éducatif. La qualité de cette relation entre adultes et jeunes doit faire partie des préoccupations constantes des chefs d'établissement. C'est donc bien en fonction des élèves que tout doit s'organiser. Les critiques de l'emploi du temps, qui ont tant déconcerté les adultes, constituent un baromètre de la place donnée à l'élève, aux élèves, dans l'organisation des établissements. Si, comme l'a bien précisé le ministre lors de l'ouverture de la table ronde, il ne s'agit pas que les lycéens fassent l'emploi du temps , il est normal que les adultes qui ont la responsabilité de cet exercice difficile puissent s'en expliquer dans un dialogue franc et ouvert. Une telle attitude exorciserait bien des mécontentements et frustrations.

En conclusion, l'élève au centre du dispositif ne doit pas être une formule incantatoire, mais une réalité et un assentiment vécus au quotidien. Certes ce dialogue, cette écoute, cette concertation prennent du temps. Mais éduquer, c 'est, selon J.J. Rousseau savoir prendre du temps.

2.2.2- Autour d'un projet

La loi d'orientation a consacré une approche nouvelle, globale, de l'organisation de l'établissement scolaire en officialisant la notion de projet d'établissement : Les écoles, les collèges, les lycées d'enseignement général et technologique et les lycées professionnels élaborent un projet d'établissement. Celui-ci définit les modalités particulières de mise en oeuvre des objectifs et des programmes nationaux. (article 18). Cette approche est directement reliée à la réflexion précédente sur l'organisation en fonction des élèves. Le projet n'est d'établissement que parce qu'il est pour les élèves. 6 - Ce projet concerne l'ensemble de la communauté scolaire : Les membres de la communauté éducative sont associés à l'élaboration du projet qui est adopté par le conseil d'administration... sur proposition des équipes pédagogiques pour ce qui concerne la partie pédagogique du projet. (article 18 de la loi). Ainsi donc, il convient de rappeler que le projet d'établissement ne constitue pas une option facultative, mais qu'il est un outil indispensable de cohérence entre les grandes orientations nationales définies par le ministre, leur déclinaison académique par les autorités déconcentrées, et leur mise en oeuvre pratique dans les établissements en fonction de leur environnement spécifique. C'est dans cette démarche que s'inscrit l'autonomie, définie comme le moyen de concilier le cadre national et la prise en compte des réalités locales. Le chef d'établissement joue évidemment à cet égard un rôle éminent : il lui appartient, non pas d'agir seul, mais de mobiliser l'ensemble de la communauté éducative dans l'élaboration du projet qui est incontournable, car il fédère, mobilise tous les acteurs autour de toutes les missions .

Si le législateur a exprimé une volonté forte que l'organisation de l'établissement s'articule autour d'une politique globale traduite par le projet, force est de reconnaître que, bien souvent, la réalité pratique est très éloignée de ce principe fondateur.

Les projets se sont en fait très vite bureaucratisés. On déplore ici la trop grande importance donnée à l'aspect dossier des projets d'établissements par rapport à l'expérimentation sur le terrain et la non transparence de leur évaluation. Alors que le projet devrait être l'expression d'une autonomie, cette autonomie est plus virtuelle que réelle dans la mesure où le projet d'établissement devient davantage un outil de contrôle que le moteur d'une politique véritable d'établissement. . En conséquence de quoi l'autonomie perd toute réalité. Que dire enfin de la démarche de projet qui aboutit à l'attribution de moyens minimes par des services qui gardent le pouvoir ? II y a là matière à réflexion et à remise en cause pour les services déconcentrés du ministère. Le projet n'a d'intérêt que s'il sert au pilotage de l'établissement et à un dialogue véritable avec les services.

Et pourtant, tous les membres de la table ronde s'accordent sur l'importance fondamentale du projet d'établissement. Celui-ci constitue un outil de dialogue, de prévision, de formation, d'évaluation. Il apparat comme un instrument de l'autonomie de l'établissement et devrait aboutir à une démarche de contractualisation avec les autorités de tutelle.

Outil de pilotage, il a un rôle central car il permet d'assurer la cohérence à l'intérieur de l'établissement, entre l'établissement et son environnement, et au plan local entre les établissements d'une même zone géographique. Pour cela, il doit être clair, ambitieux, ancré dans une réalité sociale, économique et culturelle locale spécifique . C'est un outil d'appartenance et de lisibilité, qui donne du sens.

Pour tel chef d'établissement, le projet constitue une obligation collective de prendre le temps de regarder et d'évaluer. C'est un moyen utile de permettre à chacun de se mettre à jour. Et d'ajouter que lors de l'élaboration du projet, il demande à chaque enseignant de prendre la plume pour faire le point de ses pratiques. Telle fédération de parents, qui insiste sur l'importance du projet d'établissement, demande que l'on n'ait pas peur de se servir d 1PES et de redonner ainsi une fierté aux établissements qui réussissent.

Mais il ne sert à rien de bâtir un projet d'établissement si celui-ci ne se centre pas sur la réussite personnelle de chaque élève. Le projet personnel de l'élève est l'un des outils privilégiés de cette réussite. A la fois personnel et collectif, le projet est la seule démarche qui puisse donner un sens à la présence de l'élève dans l'établissement.

En conclusion, le projet reste un élément essentiel pour la conduite d'une politique éducative. Il a toute sa place dans l'organisation de l'établissement:

Le projet d'établissement n'est pas autre chose que l'action cohérente et organisée de l'ensemble de la communauté éducative au service des élèves.

2.2.3 -A travers des instances démocratiques

La décentralisation a entraîné la création d'un établissement public de type nouveau : l'établissement public local d'enseignement (EPLE), qui conjugue de manière originale une double identité : -celle d'un service public, qui tire ses missions de l'Etat, -celle d'une entité autonome, appelée à exercer cette autonomie dans une mise en oeuvre de ces missions adaptée au contexte local. On est ainsi passé, avec le décret du 30 août 1985, de l'établissement d'enseignement public à l'établissement public local d'enseignement, pour lequel les compétences sont partagées entre l'Etat et la collectivité de rattachement.

Cet établissement de plein exercice, qui bénéficie de la personnalité morale, est doté d'instances prévues par la loi (le conseil d'administration) ou de caractère réglementaire : la commission permanente, le conseil des délégués élèves, les différents conseils et commissions créés au fil des temps et des événements, dont le dernier en date, issu du mouvement lycéen de 1998, le conseil de la vie lycéenne. Ces instances font l'objet de nombreuses critiques, du fait soit de leur fonctionnement, soit de leur empilement et du manque de lisibilité du dispositif.

Le conseil d'administration
Son fonctionnement est à revoir, pour le rendre plus démocratique, ce qui implique d'abord une plus grande transparence ; les informations fournies aux membres du conseil doivent être aisément compréhensibles, et les documents préparatoires aux séances doivent leur être adressés suffisamment longtemps à l'avance. Il faut aussi remettre de la clarté dans les circuits qui conduisent à la décision . Les parents notamment demandent que le conseil d'administration soit autre chose qu'une simple instance d'enregistrement, qu'il puisse vraiment faire des choix et bâtir un projet cohérent à partir de la DGH . II lui est encore reproché de se centrer trop exclusivement sur les questions financières et budgétaires alors que la constitution des classes, l'utilisation de la DGH, les relations avec les familles et les élèves ou la gestion des ressources humaines ne donnent pas vraiment lieu à un débat.

Le rôle que devrait jouer le conseil est souligné. Il est l'instrument de l'autonomie concédée aux établissements. L'exercice de la démocratie s'exprime à travers le conseil d'administration qui doit devenir ce lieu ouvert où se côtoient toutes les générations . II parait nécessaire de lui laisser prendre plus d'initiatives et de responsabilités, car toutes les latitudes et marges de manoeuvre qu'autorisent les textes ne sont pas réellement exploitées. Du reste, cette dernière remarque ne concerne pas seulement le CA, mais parfois les chefs d'établissement dans l'exercice de leurs responsabilités. Si le fonctionnement des conseils d'administration est si difficile, n'est-ce pas dû au fait que l'établissement est bien souvent le lieu de convergence d'intérêts divergents?

Si, dans l'ensemble, les partenaires jugent satisfaisant le partage des attributions tel que le prévoit le décret du 30 août 1985, certains y relèvent des imprécisions et des ambiguïtés et proposent la clarification des compétences respectives du chef d'établissement et du conseil d'administration.

Faut-il conserver au chef d'établissement la présidence du conseil d'administration, mesure qui semble exorbitante du droit commun? La question a été évoquée à plusieurs reprises. Les chefs d'établissement se prononcent quasi unanimement en faveur du maintien de cette prérogative. L'un d'entre eux souligne néanmoins le caractère inconfortable de cette présidence, alors que l'administration ne dispose que d'un tiers des voix et court donc le risque d'être désavouée. Certains parents, sans s'arc-bouter sur cette position, estiment que le fonctionnement du conseil d'administration serait plus démocratique si le président n'était pas le chef d'établissement, car il pourrait mieux jouer son rôle d'instance d'évaluation de l'ensemble de la politique de l'établissement. En tout état de cause, ils entendent y tenir une place moins figurative, ainsi que les lycéens. Enfin, indissociable du conseil d'administration est la place de la commission permanente, qui essuie souvent les mêmes critiques, quand elle existe... II arrive qu'elle ne soit même pas constituée. Très souvent, surtout, quoique constituée, elle n'est pas réunie parce qu'on estime qu'elle fait double emploi. Il y a effectivement là un problème réel : ou bien la commission permanente est totalement occultée, ou bien sa légitimité est contestée au sein du conseil d'administration, qui exige de reprendre les débats à la source.

Proposition 5 : Le rôle du conseil d'administration est recentré sur la conduite de la politique générale de l'établissement, et son fonctionnement amélioré. Les questions de caractère plus quotidien ou matériel sont réglées soit directement par le chef d'établissement avec obligation de compte-rendu, soit par la commission permanente remodelée sous forme d'un bureau.

Proposition 6 : Le chef d'établissement garde la présidence du conseil d'administration. Chaque année, à sa dernière séance de l'année scolaire, après avoir échangé sur le rapport annuel présenté par le chef d'établissement, le conseil débat du fonctionnement de la démocratie interne.

II y a convergence pour considérer qu'elles sont trop nombreuses. Un membre de la table ronde en a dénombré... une quinzaine ! Ces instances devraient être beaucoup moins nombreuses, avec des compétences plus larges, ce qui permettrait de mieux faire vivre la démocratie . Ailleurs on souhaite qu'elles soient épurées , ou ce qui revient au même, que soient supprimés les lieux de concertation et de décision redondants.

Sont notamment évoquées des confusions de compétences entre le conseil de la vie lycéenne, le bureau des délégués des élèves, le conseil des délégués des élèves. Bref, émerge un souci de simplification, qui sera le gage d'une meilleure lisibilité, et qui devrait déboucher sur une plus grande efficacité et sur un réel fonctionnement de la démocratie.

Le conseil de la vie lycéenne, qui voit le jour non sans susciter quelques appréhensions, donnera, si chacun joue le jeu d'une réelle co-responsabilité, l'image forte d'une nouvelle dimension de la démocratie dans l'établissement. L'idée suggérée par les lycéens de solenniser la citoyenneté lycéenne par l'organisation de toutes les élections le même jour, revêtirait à cet égard une haute valeur symbolique.

Proposition 7 : Les instances de l'établissement sont réorganisées. Chaque établissement fonctionnerait avec :

Un conseil d'administration pour toutes les questions de politique générale, d'organisation pédagogique et de choix budgétaires. (3 réunions ordinaires par an).

Un bureau, émanation du CA dont il respecte l'équilibre des catégories (maximum 12 membres). Le bureau prépare les réunions du CA et, par délégation de ce dernier auquel il rend compte, règle directement un certain nombre de questions d'ordre matériel ou financier. Le bureau se réunit au moins une fois par mois.

Un conseil de la vie scolaire (ou lycéenne, dans les lycées) qui connaît de toutes les questions relatives à la vie quotidienne et à l'animation scolaire, hors des heures de classe.

A l'exception des conseils de classe et des conseils d'enseignement qui ont une mission pédagogique spécifique, les autres instances préexistantes sont supprimées et leurs attributions dévolues de la manière suivante :

Le bureau tient lieu de conseil de discipline et de comité d'hygiène et de sécurité. Le conseil de la vie scolaire dans les lycées se substitue au conseil des délégués élèves, ainsi qu'à la commission des menus.

A ces instances s'ajouterait un conseil pédagogique (cf. infra, 3.3.2) Les conseils et commissions sont présidés par le chef d'établissement ou son adjoint.

2.3 - L'organisation entre établissements                   sommaire

Sauf à constituer des .principautés indépendantes , les établissements sont appelés à travailler ensemble, que ce soit pour des raisons de taille critique ( coopérer pour ne pas disparaître ), ou pour assurer la nécessaire cohérence géographique de l'offre de formation dans le cadre d'un réseau. La table ronde a abordé la taille des établissements, l'intérêt de se regrouper pour les plus petits, et les différentes formules de travail en réseau.

2.3.1 - La taille des établissements
La taille des établissements est très variable suivant les régions, les traditions et l'environnement géographique. La moyenne, qui parait satisfaisante - 1038 élèves en lycée, 529 en collège, 443 en lycée professionnel -, dissimule des écarts importants. Ainsi plus de 850 collèges ont moins de 300 élèves, alors que parallèlement près de 300 dépassent encore 900 élèves. Un lycée sur 6 accueille plus de 1500 élèves, un LP sur 12 plus de 700.

D'après la DESCO, une soixantaine de collèges ruraux comptent moins de 100 élèves et près de 300 collèges en comptent moins de 20011. Ces établissements n'atteignent manifestement pas la taille minimale pour offrir la gamme pédagogique étendue qu'exige l'égalité des chances. L'attribution globale des moyens d'enseignement en fonction de la structure et du nombre d'élèves limite leur marge de manoeuvre et les empêche de définir et de mettre en oeuvre une stratégie adaptée à leur situation ( les petits établissements peuvent-ils être autonomes ? ). Par ailleurs, il n'est pas possible de leur assurer une ossature suffisante en personnels de direction, d'éducation, de santé, d'administration ou de service. Il convient donc qu'ils s'organisent autrement.

La table ronde considère comme raisonnables les effectifs moyens suivants :

  • pour un collège, autour de 600 élèves;

  • pour un lycée professionnel, autour de 500 ;

  • pour un lycée d'enseignement général et technologique, autour de l 200, afin d'offrir une palette de formations suffisante.

Dans les zones les plus difficiles, il est souhaitable que les établissements aient des effectifs plus réduits.

2.3.2-Le travail en réseau
A l'unanimité, la table ronde a souligné l'intérêt du travail en réseau pour les établissements. Tous les partenaires ont notamment insisté pour que soit banni l'esprit de concurrence qui résulte d'une mauvaise conception de l'autonomie, et auquel incitent trop souvent les publications très médiatisées de palmarès établis sur des bases en certains cas discutables. Cette concurrence engendre des effets pervers qui conduisent, par le biais d'un usage abusif de dérogations, à vider un établissement de ses meilleurs éléments, et ainsi à le ghetto-user ; les exemples en sont nombreux et touchent tout le territoire. Le recrutement des élèves doit désormais être préparé solidairement par les chefs d'établissement, l'IA ayant la responsabilité des affectations.

Nombreux sont les autres domaines où les chefs d'établissements d'un secteur géographique donné - qui prend parfois des appellations différentes (bassin, district, zone d'animation...) - peuvent nourrir des collaborations, des complémentarités, des réflexions : carte des formations, orientation, insertion, élèves en difficultés, communication, remplacement...

La loi du 10 juillet 1989 stipule en son article 18 que des établissements peuvent s'associer pour l'élaboration et la mise en oeuvre de projets communs, notamment dans le cadre d'un bassin de formation.

Le travail en commun au sein d'un bassin est sans doute une manière de rompre l'isolement dont se plaignent ajuste titre les chefs d'établissement. Cela suppose des bassins de taille suffisante, mais non excessive, où les personnes peuvent encore se rencontrer suffisamment souvent pour reconnaître qu'elles vivent ensemble et avoir envie de construire ensemble,... où l'on peut encore suivre le parcours d'un élève et où celui-ci se sent encore chez lui, même s'il doit changer d'établissement 12. En outre, dans les petits établissements isolés, le réseau est un bon moyen de se garder d'un enseignement minimal pour permettre, dans les zones rurales, une véritable égalité des chances.

Proposition 8 : L'organisation du dispositif de coopération entre établissements est remise à plat, avec pour objectif de réunir en bassins de formation d'une aire géographique limitée un nombre moyen d'établissements assez homogène.

Il faut éviter que la coopération entre établissements soit formalisée de façon trop rigide - il s'agit d'un dispositif souple et non d'une structure -, mais garder la possibilité que d'autres puissent s'y joindre et surtout laisser à chacun la conviction que sa participation à l'action collective fait partie de son projet et de la volonté de la communauté de l'établissement 13

Bref, la pratique de la solidarité entre établissements ne se décrète pas. Elle est l'affaire des établissements et de leurs responsables. Elle devrait prendre dans la majorité des cas la forme d'une mutualisation volontaire et répartie : la très grande majorité des contributions et interventions penche pour une formule souple de type dispositif d'échange entre établissements , lieu d'échanges et de rencontres , surtout pas un échelon hiérarchique supplémentaire . II s'agira d'un cadre fonctionnel et non structurel , qui pour certains exclut toute dotation en personnel, tout budget et toute rémunération . On conçoit néanmoins une organisation minimale, avec à sa tête un animateur, personnel de direction désigné par ses pairs pour une durée limitée. En tout état de cause on demande que les mutualisations ou les mises en réseau n 'altèrent pas l'autonomie de l'établissement . En définitive, l'idée d'une mutualisation de moyens, avec des solutions flexibles, au niveau du bassin de formation est bien acceptée. Sous réserve que soit respecté le principe de spécialité des EPLE , le cadre réglementaire existe à travers les groupements de services prévus à l'article 6 du décret du 30 août 1985. Pour éviter la création d'un étage administratif supplémentaire, les établissements auront la possibilité de répartir des activités mutualisées entre plusieurs établissements du bassin.

Proposition 9 : Les autorités académiques encouragent, par des moyens appropriés, les initiatives de mutualisation proposées par les établissements d'un même bassin de formation, conformément à la loi du 10 juillet 1989.

Pour les petits établissements qui n'atteignent pas la taille critique, ce travail en réseau pourrait constituer une étape provisoire avant l'évolution éventuelle proposée ci-après.

2.3.3- Un seul EPLE avec plusieurs localisations?
Certaines régions peu peuplées ou à habitat dispersé disposent d'un parc d'établissements de très petite taille, mais souvent de bonne qualité. Ces établissements -on l'a vu- souffrent néanmoins de leur isolement, de l'absence de stimulation pédagogique et d'un sous-encadrement administratif et éducatif. Ils ne disposent en effet que d'un seul personnel de direction, assisté par un CPE qui, de fait, exerce les fonctions d'adjoint en même temps qu'il gère la vie scolaire. Il arrive que le secrétariat se réduise à une personne à mi-temps ; or, certaines tâches administratives sont incompressibles quels que soient les établissements. L'apprivoisement des nouvelles technologies d'information et de communication pose souvent des problèmes dans ces unités qui n'atteignent pas le seuil critique. Par ailleurs, il n'est ni possible ni raisonnable de doter ces établissements d'autant de moyens que les autres.

Pour remédier à ces difficultés et réduire les tâches administratives, on pourrait -après un travail préparatoire avec tous les partenaires et sur un projet accepté - envisager que ces établissements se regroupent en une seule entité. L'un des établissements serait le siège de l'EPLE, les autres constituant des unités pédagogiques délocalisées.

Ce système fonctionne de manière satisfaisante dans l'enseignement agricole. Dans cette hypothèse, les responsables académiques devraient veiller, en liaison avec les autorités locales, à ce que ces unités puissent continuer à jouer un rôle spécifique dans le maillage du territoire (ouverture sur la vie locale, animation culturelle..) .

Proposition 10 : Les établissements à faibles effectifs sont invités, sur la base du volontariat, et à titre expérimental, à se regrouper en vue de constituer éventuellement par la suite un seul EPLE. Le nouvel établissement devra réunir soit un minimum d'unités pédagogiques, soit un minimum d'élèves. Les unités pédagogiques seront animées par un personnel de direction adjoint, l'essentiel des tâches administratives étant effectuées au siège de l'EPLE renforcé en conséquence.

Au terme de l'expérimentation, d'une durée à déterminer, un bilan est établi dans chaque unité, puis au niveau de l'EPLE, avec le concours d'experts pédagogiques, administratifs et financiers. Ce bilan est discuté avec tous les partenaires.

Cette proposition s'inscrit dans le prolongement logique de la démarche de mise en place de réseaux d'écoles rurales et de collèges initiée dans la circulaire du 17 décembre 1998.

Certains participants estiment que cette conception d'un EPLE multipolaire pourrait ne pas se limiter aux seuls petits établissements et que les établissements d'un bassin devraient être regroupés en un seul EPLE autour d'une tête de réseau, dotée de fortes compétences administratives, financières et logistiques, qui déchargerait d'autant les établissements périphériques (rebaptisés unités fonctionnelles de base) dont les responsables pourraient se consacrer presque exclusivement aux tâches d'organisation et d'animation pédagogiques et éducatives. Une telle configuration aurait l'avantage d'offrir une fonction de débouchés à des chefs d'établissements chevronnés. Mais elle pose de multiples problèmes et ne sera donc pas retenue ici.

2.4 - L'établissement et sa hiérarchie                    sommaire

On a dit plus haut que les relations entre les établissements et leur hiérarchie ne pouvaient être considérées comme entièrement satisfaisantes, car trop marquées par la directivité et la dépersonnalisation. Sans doute n'a-t-on pas tiré toutes les conséquences des transferts d'attributions opérés en 1983, ni du statut de l'EPLE : l'autonomie consentie demeure très encadrée, à la fois par des directives concernant l'exercice des compétences et par un mode d'allocation des moyens qui ne favorise guère les initiatives ; la concertation et la négociation progressent lentement, et les échelons supérieurs sont perçus comme enjoignant trop, n'écoutant pas assez et n'aidant guère. La situation faite aux établissements devrait être revue sur deux points principaux. Le premier a trait aux possibilités qu'ils ont de mettre effectivement en oeuvre la part d'autonomie qui leur a été concédée par les textes et au passage progressif vers une contractualisation des objectifs et des moyens. Le second concerne la place qui leur est reconnue dans l'ensemble du système éducatif et le type de relations institutionnelles qui devrait en découler. L'un et l'autre points convergent vers l'idée de partenariat.

2.4.1 -De la directive au contrat
Si l'évolution des compétences a joué en faveur des établissements, c'est bien parce qu'ils paraissaient être les lieux dans lesquels se passe l'essentiel - l'acte éducatif- et où se situe l'enjeu principal : conduire au succès un ensemble d'élèves dont les besoins sont différents et qui justifient donc des stratégies pédagogiques finement adaptées. On ne gère bien d'en haut que les dispositifs généraux et les politiques globales, le traitement individualisé ne pouvant être pris en charge qu'au plus près des intéressés. Cette considération justifiait le principe d'inversion de la pyramide proposé par le rapport Centrale 2000: dans le droit fil de la loi d'orientation qui place l'élève au centre du système éducatif, il s'agissait de modifier les approches en partant non plus du sommet, mais de la base de ce système. Les établissements seraient ainsi devenus le point d'ancrage des objectifs plutôt que le point d'arrivée des directives nationales ou académiques.

Des progrès ont été accomplis dans cette voie : les établissements sont incites a déterminer des politiques spécifiques exprimées dans les projets, et l'institution de la DHG, de même que les heures d'enseignement libres et la globalisation des crédits pédagogiques, facilitent la mise en oeuvre de ces politiques. Mais on est encore loin d'un pilotage par objectifs et d'une déconcentration vraie laissant des espaces suffisants pour agir . La déconcentration actuelle est perçue comme étant principalement celle des corvées (par exemple la gestion des bourses des collèges) qui grignotent la marge de manoeuvre dont pourraient disposer les établissements: Que recouvre véritablement la notion d'autonomie alors que l'essentiel des énergies est employé à répondre à des injonctions ou des commandes de l'institution?

Certes, on ne peut laisser les établissements libres d'agir à leur guise et il est vrai que certains projets s'apparentent plus à des exercices de style ou des attrape moyens qu'à un ensemble d'actions raisonnées et articulées entre elles. Il n'en demeure pas moins que les services académiques sont trop souvent tentés de répartir les dotations en fonction de critères arithmétiques ( Ils ne connaissent que les effectifs et les structures, et la réalité des établissements disparaît derrière les barèmes ), si bien qu'on n'en n'obtient pas le soutien attendu, ni même la possibilité défaire ce qui parait pourtant s 'imposer.

C'est vers la notion de contrat qu'il faudrait s'orienter pour résoudre ces difficultés (c'est vers elle aussi que s'achemine l'administration centrale pour redéfinir ses relations avec les académies). Le contrat pourrait incarner la jonction entre le général et le particulier, les principes d'action définis au niveau supérieur et la prise en compte des spécificités de l'établissement.

Il s'inscrirait dans la politique académique en la déclinant sous forme d'objectifs précis et formalisés sur lesquels l'établissement (c'est-à-dire toute la communauté éducative) s'engagerait. Il comporterait, en contrepartie, un engagement pluriannuel relatif aux moyens : comment l'établissement pourrait-il programmer des actions s'il ne sait pas de quoi demain sera fait ? Sa mise en oeuvre et ses résultats seraient périodiquement évalués par l'établissement lui-même et par les autorités académiques, avec l'assistance des corps d'inspection.

Proposition 11 : Contractualiser les missions dévolues aux établissements, ainsi que les moyens d'action correspondants, en laissant à leur disposition un pourcentage de la DHG tenant compte des caractéristiques de l'établissement.

Cette nouvelle donne consacrerait une autonomie bien conçue, c'est-à-dire une plus grande prise de responsabilité et une plus grande latitude d'invention, ne confinant pas toutefois à l'émancipation. Elle est conforme au mouvement général de réforme administrative, qui réserve l'impulsion, la coordination et le contrôle au niveau central, mais confie l'action aux services déconcentrés. A l'Education nationale, elle a fait ses preuves dans l'enseignement supérieur : l'autonomie des universités a pu prendre corps grâce à la procédure contractuelle, et nul ne met en cause les résultats qu'elle a permis d'obtenir. Elle suppose des outils d'analyse, de prévision et d'évaluation performants, mais qui ne devraient pas obéir à des schémas trop stéréotypés : les formulaires élaborés par certaines académies pour la présentation des projets représentent sans doute un gain de temps pour les services qui ont à examiner ces projets, mais ne permettent pas toujours d'en faire apparaître complètement les implications et l'utilité; si l'on souhaite donner une individualité au contrat, de manière à en faire un instrument de pilotage et de progression pour l'établissement, il faut éviter autant que possible les documents-type trop précis.

2.4.2- De l'anonymat au dialogue
II est regrettable que les autorités académiques n'aient pas toujours des établissements une connaissance approfondie, ou du moins que cette connaissance résulte davantage d'analyses de données que de visites sur place et de discussions. Sans doute les visites systématiques nécessitent-elles beaucoup de temps lorsque le territoire est très peuplé ou très étendu ; mais la compréhension des réalités du système et les possibilités d'échanges qui en résultent font penser que l'investissement est rentable. De même que les chefs d'établissement devraient connaître leurs élèves, il serait bon que les recteurs et les IA privilégient les contacts personnels avec leurs proviseurs et principaux, que ce soit dans les établissements ou dans les services académiques ou dans le cadre des bassins. L'écrit, en effet, ne remplace jamais totalement l'oral : plus et mieux que les circulaires, les échanges verbaux peuvent mettre en relief les différents objectifs d'une politique et la manière dont ils s'articulent entre eux ; bien davantage, aussi, ils permettent d'expliciter, de donner du sens, d'emporter l'adhésion active. Que les autorités supérieures affirment clairement des priorités et les hiérarchisent est un vue souvent formulé ; on ne peut le satisfaire uniquement par voie postale ou télématique.

Ainsi institutionnalisé, le dialogue devrait être parallèlement approfondi. D'abord parce que l'information doit circuler dans les deux sens : aucune politique éducative ne peut pleinement réussir si elle ne prend pas en compte les problèmes concrets et les spécificités de ses destinataires, et la possibilité d'une adaptation fine ne peut lui venir que d'indications et d'éventuelles alertes émanant du terrain. Ensuite, et de manière plus générale, parce que les autorités académiques et les établissements ne devraient pas être considérés aujourd'hui comme les deux extrémités d'une chaîne, mais comme les éléments d'un même ensemble placé au service d'une oeuvre commune. Il serait normal et profitable, dans l'optique d'une gestion modernisée du service public et sans porter atteinte à l'ordre des compétences, que des groupes de travail associant des chefs d'établissement aux recteurs et IA soient constitués autour des principaux problèmes qui se posent au système éducatif ou dans le ressort des académies, comme à propos du cadrage des politiques et des moyens à mettre en oeuvre. La coopération, qui permet de mutualiser les savoirs et les initiatives, est plus féconde que la subordination, d'où résulte souvent une action trop mécanisée ; et les autorités hiérarchiques devraient se donner pour règle de faire appel à la collaboration des chefs d'établissement au moins autant qu'à leur sens de la discipline.

Proposition 12 : considérer les chefs d'établissement comme des collaborateurs des autorités académiques ; les associer systématiquement aux groupes de travail préparant l'élaboration ou la mise en oeuvre des politiques rectorales; créer au besoin de tels groupes.

2.4.3 Vers une fonction de proximité

L'action des services déconcentrés ne prend tout son sens que si elle assure des fonctions de proximité vis-à-vis de tous les établissements, mais aussi de toutes les écoles : connaissance des situations en temps réel, continuité des contacts avec les chefs d'établissement et directeurs d'école, régulation continue, impulsion, suivi, conseil, articulations entre niveaux d'enseignement.
Il semble essentiel de construire un schéma territorial simple d'exercice de cette fonction, une géographie scolaire lisible par tous, notamment par les partenaires et usagers de l'école.
L'académie est le territoire dans lequel se définissent une politique et une stratégie : c'est le niveau unique intermédiaire entre le ministère et l'établissement. Elle est dirigée par un recteur d'académie, assisté d'autant d'IA-DSDEN (susceptibles de devenir vice-recteurs) qu'il y a de départements dans le ressort de l'académie.
Les fonctions de proximité de ce niveau intermédiaire unifié que sont les services académiques devraient être territorialisées - sans créer évidemment un échelon supplémentaire de gestion, unanimement rejeté ; en particulier des décisions telles que la détermination des structures, la carte des options, et l'allocation des crédits pédagogiques ne peuvent être prises qu'à un niveau plus élevé.
Ces fonctions de proximité s'exerceraient dans une circonscription d'enseignement scolaire correspondant, selon les départements, à un ou plusieurs bassins de formation et regroupant une trentaine de lycées, EREA et collèges, ainsi que les écoles de la zone de recrutement afin d'assurer la continuité des parcours et du suivi scolaires. Dans les départements ne comprenant pas suffisamment d'établissements, le dispositif ne serait pas mis en place - la circonscription d'enseignement scolaire étant le département lui-même.
Cette géographie scolaire devrait respecter les limites administratives (académie, département) et être préparée dans chaque académie avec un souci de simplicité, de réalisme et de mise en cohérence des nombreux découpages actuels (districts, secteurs, pays, GRETA, circonscriptions du l" degré...)

Chaque circonscription d'enseignement scolaire serait prise en charge par un membre du corps des inspecteurs d'académie, qui pourrait prendre le nom d'IA-délégué académique à l'enseignement scolaire, ou lA-correspondant territorial de proximité, par symétrie avec les inspecteurs d'académie -inspecteurs pédagogiques régionaux. Inclus dans la structure rectorale ces IA-DAES ou IA-CTP constitueraient l'un des éléments territorialisés du niveau intermédiaire unique, existant ou à créer, entre l'administration centrale et les établissements, selon le principe un seul interlocuteur par type de problème.

Correspondants territoriaux de proximité, nommés par le ministre sur proposition du recteur après avis des IA-DSDEN, ils assureraient l'interface entre les services académiques et les établissements en étant à l'écoute de l'ensemble des écoles et des établissements sur les réussites, les spécificités, l'environnement social et géographique, en veillant à la mise en oeuvre des politiques, en rendant compte des difficultés rencontrées et en faisant émerger les propositions du terrain (établissements et/ou bassins de formation) l'information ascendante compléterait ainsi utilement l'information descendante.

Cette territorialisation ne se confondrait en aucun cas avec les bassins de formation (cf. supra, 2.3.2), dispositifs souples animés par un chef d'établissement désigné par ses pairs. Mais bassins de formation et circonscriptions territoriales se complètent et sont également nécessaires : si le travail en commun dans le cadre des bassins, à l'initiative du terrain, est une manière de rompre l'isolement transversal des chefs d'établissement, le correspondant territorial de proximité du recteur permet de rompre l'isolement vertical (l'éloignement de la hiérarchie).

Proposition 13 : En reprenant les propositions du rapport Centrale 2000 , affirmer et organiser la déconcentration en un niveau intermédiaire unique entre le ministère et l'établissement : l'académie ; puis organiser un maillage des services académiques pour assurer les fonctions de proximité : définir une géographie de l'enseignement scolaire mettant en cohérence les multiples découpages actuels.

III le pilotage de l'établissement                   sommaire

Pour faire face aux mission qui lui sont imparties et faire vivre l'organisation indispensable à leur mise en oeuvre, l'établissement a besoin d'être piloté. Il s'agit là, parmi ses nombreuses fonctions, d'une des tâches éminentes du chef d'établissement premier responsable de la communauté scolaire qui est confiée. Il l'exerce solidairement avec son ou ses adjoints. Cependant, la complexité croissante des organisation liée à l'évolution des relations interpersonnelles et des technologies d'une part, les qualités dont il lui faut faire preuve pour entraîner l'adhésion d'autre part, doivent le conduire, aujourd'hui plus que jamais, à travailler en équipe avec des collaborateurs dont le nombre devrait en certains cas être accru. Il devra savoir déléguer, sous le signe de la confiance, avec son corollaire, le contrôle a posteriori. Confiance et contrôle à posteriori sont du reste deux revendications fortes des personnels de direction à l'égard de leur hiérarchie;
ils doivent devenir également les maîtres-mots de leur propre management.

L'organisation interne des établissements peut varier suivant leur taille et leur localisation et il ne convient pas de la soumettre à des règles uniformes ; l'essentiel est qu'elle laisse toute sa place au travail en équipe.

3.1 - Le chef d'établissement : rôle et responsabilités                   sommaire

Le législateur a investi les chefs d'établissement d'un double rôle : celui de représentant de l'Etat, garant du bon fonctionnement du service public de l'éducation, et celui d'exécutif du conseil d'administration, assemblée qui incarne l'autonomie reconnue aux EPLE. Pour mettre en lumière, tout en les regroupant en grandes catégories, les principales missions qui en découlent, cette distinction n'est peut-être pas la plus opérante. Mais la distinction entre activités selon qu'elle relèveraient ou non du domaine de la pédagogie ne l'est pas davantage. D'abord parce que l'établissement qui a pour fondement et pour vocation uniques l'enseignement, tout est nécessairement structuré autour de la pédagogie, même les actes qui ne paraissent pas à première vue s'y rattacher:

l'élaboration du budget, dans la mesure où elle exprime des choix de politique éducative, ne participe pas seulement de la gestion financière ; et la constitution des classes, qui tend à apparier au mieux les élèves et les enseignants, ne relève pas uniquement de l'organisation administrative.

Ensuite parce que les définitions données de la pédagogie sont variables : entendue au sens étroit, elle recouvre l'acte d'enseignement, voire la didactique d'une discipline, et donc en premier lieu l'affaire des enseignants ; en un sens plus large, elle englobe l'efficacité de la transmission et de l'acquisition des connaissances, donc les résultats auxquels parviennent les élèves, et concerne dès lors l'ensemble de la communauté éducative: non seulement le chef d'établissement ne peut s'en désintéresser, mais il en est même le garant.

Pour ces différentes raisons, il parait préférable de retenir une autre classification des missions qui composent le métier de chef d'établissement. Mais il faut également se demander si les moyens d'action accordés en contrepartie sont adaptés à ces missions.

3.1.1 Les composants du métier
Il n'est pas certain qu'elles aient toutes été perçues lors de l'institution des EPLE, ni même à la date du décret statutaire : l'évolution tend en effet à les accroître et les diversifier. Sans prétendre à l'exhaustive et avec la part d'arbitraire que comporte toute tentative de catégorisation- on peut les regrouper sous trois rubriques principales.

Un rôle de pilote
Un commandant de bord, PDG d'entreprise publique, chef d'orchestre, entraîneur d'équipe, bien des métaphores ont été utilisées pour caractériser ce rôle qui connaît une grande extension à l'ère des projets et des contrats. C'est au chef d'établissement, non pas seul mais avec la collaboration des autres membres de la communauté éducative, que revient la mission de déterminer la politique à suivre, parce qu'il a une vision globale de l'établissement et de son environnement. Dans le respect des directives nationales et du projet académique, l'autonomie reconnue aux EPLE trouve à s'exercer pour la mise en place des structures et des options, la conception de dispositifs et de parcours adaptés aux besoins des élèves, le choix des activités proposées à ceux-ci, les stratégies d'orientation.

Le projet est constructeur d'avenir en fonction des données du présent : le chef d'établissement a pour tâche "de fixer un cap, puis d'agir en sorte que ce cap soit maintenu". Cela suppose, en amont, une analyse et une définition d'objectifs à moyen terme, en aval un ordonnancement des activités qui les fasse en permanence concourir à la réalisation du dessein que s'est fixé la communauté éducative : maître d'oeuvre du projet, le chef d'établissement en est aussi le garant.

En regard, il lui revient de négocier les financements correspondants tant auprès des collectivités territoriales que des autorités académiques, dont il est le premier interlocuteur. Et si c'est du gestionnaire que relève la mise en forme du budget, il appartient au chef d'établissement d'en déterminer au préalable avec lui les grandes orientations, afin que le budget soit à la fois l'expression et l'appui de la politique d'établissement tout bon pilote doit être un stratège avisé.

Une fonction d'organisation
Dans un EPLE, organiser c'est pourvoir au bon déroulement des activités éducatives non retrouve ici l'étymologie de l'appellation "proviseur". Le domaine privilégié de cette fonction est naturellement l'architecture pédagogique : constitution des classes, attribution des services d'enseignement, désignation des professeurs principaux, confection de l'emploi du temps, répartition des moyens horaires et des crédits Avec le développement du soutien scolaire sous ses différentes formes et des activités interdisciplinaires, la fonction d'organisation prend une dimension nouvelle : plus importante, elle est aussi plus complexe et requiert autant d'autorité que de psychologie, voire de diplomatie.

La gestion des ressources humaines participe aussi de ce rôle. Il s'agit en effet "de donner des rôles à chacun, et si possible celui qui lui convient le mieux", afin que tous contribuent au bon fonctionnement de l'établissement et à la réalisation du projet (c'est à ce propos qu'est le plus souvent utilisé l'image du chef d'orchestre). En certains cas il faut en permanence écouter, conseiller, appuyer, encadrer, qu'il s'agisse du soutien à une action expérimentale ou de l'aide aux personnes momentanément en difficulté ; toujours, dans cet univers peu hiérarchisé qu'est l'Education nationale, il faut rechercher le consensus ; toujours, aussi, il faut faire preuve d'ouverture aux autres, d'imagination et d'aptitude à apaiser d'éventuelles tensions.

Vient enfin la logistique qui, à l'instar de l'intendance, ne suit pas sans que l'on y tienne la main. Avec l'appui du gestionnaire et, dans les lycées professionnels et polyvalents, du chef des travaux, le chef d'établissement doit veiller à la sécurité des installations et des équipements, à l'adaptation et au confort des locaux, au bon déroulement des opérations de réfection programmées par la collectivité territoriale de rattachement. Il doit également gérer avec discernement les ressources matérielles et financières allouées à l'établissement, planifier les investissements, rechercher les possibilités de coopération ou de partenariat. Et il doit veiller à l'accomplissement de toutes les tâches administratives qu'implique la gestion d'un EPLE ou, trop souvent, les accomplir lui-même.

Une mission d'animation
Les établissements sont des lieux relationnels par excellence, en ce sens que tout s'y joue au travers de rapports individuels ou collectifs, et que le climat qui y règne a une importance décisive : là où la communauté éducative n'existe que sur le papier, chacun travaillant en fonction de ses goûts, de ses convenances, ou des orientations qu'il croit les meilleures, la cohérence et la continuité sont aléatoires ; au contraire, lorsqu'existent une approche collective et un dessein collectifs, des stratégies de réussites efficaces peuvent se développer ; le rôle fédérateur et catalyseur du chef d'établissement est à cet égard primordial.

Il s'exerce au service des actions communes nécessaires à la mise en oeuvre du projet, par l constitution d'équipe, l'organisation de la complémentarité et l'ouverture sur l'environnement extérieur. Il consiste à impulser les initiatives, rassembler les énergies, mobiliser les hésitants et veiller à la synergie des entreprises individuelles en développant le sentiment d'appartenance à une communauté d'oeuvre. Il suppose une action permanente et soutenue de communication : délivrance à tous les intéressés d'une information "qui donne du sens, soutient la motivation et facilite l'exécution du travail", mais aussi aménagement des relations internes de manière à limiter autant que possible les cloisonnements et créer les conditions d'une dynamique collective "d'échanges et d'argumentation" tournée vers la réussite des élèves.

Animer, c'est aussi favoriser la vie en commun, c'est-à-dire créer et maintenir l'harmonie au sein de la collectivité en faisan respecter les droits de la personnalité de chacun. Les chefs d'établissement doivent veiller à ce que règne un climat de confiance réciproque et de compréhension mutuelle entre adultes et élèves. Le respect des valeurs démocratiques à toute sa place dans les établissements d'enseignement : il implique que les droits reconnus aux uns soient acceptés et non pas seulement tolérés par les autres, et que les obligations soient explicitées pour n'être pas considérées comme des charges indues. Les intérêts en présence sont parfois divergents : il appartient aux chefs d'établissement d'exercer entre eux un arbitrage, plus ou moins apparent mais propre à désamorcer les conflits ; le règlement intérieur représente à cet égard un instrument utile, mais les conditions de son élaboration, ses dispositions et la manière dont elles sont appliquées constituent aussi de bons indicateurs du climat qui prévaut dans l'établissement.

Toutes ces tâches et sans doute bien d'autres- sont inscrites dans les textes ou peuvent être déduites de l'esprit de ceux-ci. Elle sont considérables, et expliquent la place centrale qu'occupent de nos jours les chefs d'établissement ; mais il n'est pas certain que les possibilités d'action offertes soient à la hauteur des responsabilités conférées.

3.1.2 Les moyens d'action
On a dit plus haut qu'il conviendrait d'étoffer l'équipe entourant les chefs d'établissement, et que les projets devraient être soutenus par une contractualisation pluriannuelle des moyens d'où résulteraient "des espaces pour agir". Mais il faut également évoquer le problème des pouvoirs dont il disposent sur la situation des personnels : non seulement ils n'ont rien à dire sur les affectations, mais ils ne pèsent guère sur les conditions d'emploi.

Presque toujours, fort heureusement, leur autorité morale suffit à créer le consensus autour d'une politique et à susciter l'adhésion pour sa mise en oeuvre, car la compétence et l'engagement de l'immense majorité des personnels sont indéniables. Mais dans quelques cas ils rencontrent des résistances ou une inertie préjudiciables qu'ils ne peuvent surmonter, en raison de deux facteurs dont les effets s'additionnent. D'une part, certains statuts particuliers sont insuffisamment précis quant aux prestations qui doivent être légitimement demandées aux intéressés. D'autre part, leur position institutionnelle propre n'a pas évolué depuis les textes fondateurs alors que leurs responsabilités fonctionnelles se sont accrues : le pilote dont chacun reconnaît le rôle éminent demeure à certains égards un primus inter pares.

L'ordonnancement juridique est en effet quelque peu ambigu : le décret du 30 août 1985 donne ainsi aux chefs d'établissement "autorité sur l'ensemble des personnels affectés ou mis à la disposition de l'établissement" et les charge de veiller "au bon déroulement des enseignements ainsi que du contrôle continu des aptitudes et des connaissances", mais en pratique ces dispositions sont doublement contrecarrées.

En premier lieu par l'absence des instruments traditionnels du pouvoir hiérarchique : la notation des personnels enseignants, par exemple, n'appartient aux chefs d'établissement que pour les 40 % correspondant à la note administrative, le reste - c'est-à-dire tout ce qui concerne la pédagogie - relevant des corps d'inspection. Et s'ils ont le pouvoir de fixer les services de toutes les catégories de personnels, ce ne peut être que dans le respect des statuts de ces derniers : lorsque ce statut ne prévoit pas expressément (mais comment pourrait-il le faire ?) la participation à telle ou telle tâche résultant du projet d'établissement, de quels moyens dispose le chef d'établissement pour convaincre les récalcitrants ?

En second lieu, les particularismes professionnels font parfois obstacle à un quelconque contrôle exercé par les chefs d'établissement. Les enseignants qui sont attachés à leur établissement autant qu'à leur discipline adhèrent volontiers au projet commun, mais ceux qui conçoivent leur métier comme un dialogue singulier avec les élèves sont plus portés à défendre le domaine réservé qu'est pour eux la salle de classe : comment les inciter à se déprendre de leur tour d'ivoire ? Et que faire en cas de légèreté ou d'incompétence avérées et tournant au désavantage des élèves lorsque l'intéressé refuse d'entendre ou de suivre les conseils, y compris ceux des corps d'inspection ? De telles difficultés sont, répétons-le, exceptionnelles ; mais les chefs d'établissement qui s'y trouvent confrontés sont par trop démunis de moyens d'action.

Sans en faire pour autant des autocrates ni remettre en cause les latitudes d'action indispensables au métier d'enseignant, il serait utile d'impliquer davantage les chefs d'établissement dans les processus d'évaluation. La dualité des évaluateurs devrait être conservée, car elle permet de croiser deux points de vue complémentaires ( l'inspecteur porte sur l'action d'un professeur un regard discontinu et extérieur, le chef d'établissement un regard continu et intérieur ), mais il conviendrait que l'évaluation soit plus qu'aujourd'hui préparée et réalisée en commun.

Proposition 14 : Associer davantage les chefs d'établissement et les corps d'inspection à la préparation de l'évaluation des personnels.

Par ailleurs, les autorités académiques devraient être incitées à porter une attention plus grande aux difficultés que leur signalent les chefs d'établissement : il n'est pas conforme à l'intérêt du service public que des signalements réitérés ne soient pas suivis d'effets dès l'instant où ils sont solidement étayés. Sur un plan plus général, il serait temps que les missions des chefs d'établissement soient redéfinies pour prendre en compte l'évolution que l'on constate depuis une décennie. Les textes de 1985 et 1988 consacraient l'avènement d'un nouveau métier et en ont judicieusement défini les grandes lignes, qu'il ne parait pas nécessaire de modifier. Mais il faudrait qu'un référentiel de ce métier spécifie en les actualisant ses diverses composantes et dessine le cadre fonctionnel de son exercice : en termes d'encadrement, d'organisation de la pédagogie, de gestion des ressources humaines, qu'implique-t-il aujourd'hui et quelles sont les attentes de l'institution à l'égard des personnes qui en sont investies ?

La question se pose au niveau national pour l'ensemble de la profession, comme au niveau académique pour chacun de ses membres, compte tenu des particularités de l'établissement d'affectation (cf. infra, proposition no 17).

Proposition 15 : Elaborer une directive nationale définissant le contenu et le sens à donner aux fonctions de chef d'établissement, ainsi que la position institutionnelle qui en découle.

3.2 - La direction: chef d'établissement et adjoint(s)                   sommaire
La complexité croissante des établissements, l'élargissement de leurs missions, la nécessité d'une présence beaucoup plus attentive aux élèves, ne permettent pas au chef d'établissement de faire face seul à l'ensemble des responsabilités qui lui incombent.

Il lui appartient donc d'organiser son travail, en tout premier lieu avec son adjoint, soit statutaire dans la majeure partie des établissements, soit fonctionnel lorsque l'unité n'atteint pas une taille critique.

3.2.1- Qui fait quoi?
La question doit être posée et l'est par la plupart des contributions. Le statut des personnels de direction a opté pour une non définition du rôle de l'adjoint. Le flou qui en résulte génère souvent un malaise pour l'adjoint qui voit mal sa position. Il apparat comme un homme de coulisse, un machiniste , aux côtés d'un chef non choisi enfermé dans des tâches d'administration, la plupart du temps mal connu de ceux qui pèseront sur l'évolution de sa carrière . La fonction est rapidement vécue comme un purgatoire . Les intéressés ont le sentiment d'une progressive dégradation de leurs fonctions, qui évoluent vers des tâches de type bureautique . La technicité que requiert la préparation des emplois du temps n 'est pas, a priori, le meilleur produit d'appel pour la fonction .

Bref, être adjoint, c'est vivre une condition de subordination... Perçue comme une fonction de l'ombre, (la fonction d'adjoint) l'est aussi comme instable et floue, et du coup dissuasive.

Face à une réalité très contrastée, (de l'alter ego à l'exécutant), deux thèses sont en présence. Les tenants du statut tiennent à réaffirmer le principe d'unicité de la fonction et à défendre le corps unique , réservant l'appellation équipe de direction aux seuls personnels relevant du statut des personnels de direction. D'autres plaident en faveur d'une redéfinition et d'une revalorisation du rôle de l'adjoint. Ainsi est-il proposé de lui confier la responsabilité de conduire la partie pédagogique du projet d'établissement ou la présidence du conseil pédagogique - nouvelle instance suggérée - en liaison avec les IPR. Les mots clarifier, définir, préciser reviennent fréquemment.

A la réflexion, ces deux positions ne paraissent pas si antinomiques. Une forte convergence se fait jour pour que chaque adjoint bénéficie de fonctions claires. Pour ce faire, il est possible de déterminer ces fonctions à travers un texte spécifique relatif aux adjoints autour du classique dénominateur commun que sont la confection de l'emploi du temps, la préparation et le suivi des conseils de classe, la participation à l'orientation des élèves, avec parfois le retour prôné au rôle de censeur des études dans les établissements complexes. Mais on court alors le risque de figer les rôles et de réduire la marge d'autonomie dont disposent les chefs d'établissement. Ne vaut-il pas mieux envisager que la répartition des tâches entre le chef et l'adjoint soit du ressort de l'équipe de direction en fonction des compétences et des goûts de chacun et des exigences de l'établissement ? II importe de construire des délégations claires, de substituer une délégation d'initiative à l'actuelle délégation d'exécution . Le premier acte d'un chef d'établissement nommé ne devrait-il pas être de passer un contrat avec son adjoint sur la répartition des responsabilités ? II serait par contre malsain de laisser s'établir ou se perpétuer, au nom du principe de l'unicité de direction, une situation floue, préjudiciable à l'exercice de l'autorité et à l'image dynamique que doit donner à la communauté scolaire une direction travaillant vraiment en équipe.

Proposition 16 : Lors de sa nomination le chef d'établissement négocie avec son, ou ses adjoints, la répartition des fonctions de direction, qui fait l'objet d'un accord écrit, diffusé au sein de l'établissement ainsi qu'aux autorités hiérarchiques.

3.2.2 - Quelles missions pour un établissement donné? L'importance de la démarche de projet dans la conduite d'un établissement suppose que la personne nommée à la tête de cet établissement sache clairement ce que l'on attend d'elle. Les contributions déplorent souvent la multiplicité d'instructions, parfois contradictoires, qui malmènent l'autonomie des établissements et contraignent leurs responsables à agir dans l'urgence. Ceux-ci demandent à travailler dans la sérénité, dans la durée, sur la base d'un contrat clair passé avec leur hiérarchie. C'est effectivement sur des bases contractuelles que doivent désormais s'établir les relations entre les établissements et la tutelle (cf. proposition 11). Il y a sur ce point accord unanime.

Le chef d'établissement, lors de sa nomination, devrait recevoir du recteur une lettre de mission. Le ministre ayant d'une part défini le cadre général de la fonction de chef d'établissement (cf. proposition 15) et précisant d'autre part dans la circulaire annuelle de rentrée les priorités nationales qui s'imposent à tous, il apparat logique que l'autorité déconcentrée, qui connaît les établissements et leurs problèmes, adapte ces priorités aux spécificités locales.

La mission ainsi confiée requiert au préalable un temps d'apprivoisement de l'établissement par le responsable nommé. Il n'est ni possible ni souhaitable de fixer des objectifs ex abrupto. C'est donc au terme d'une période d'observation que l'autorité académique doit établir, en concertation avec celui ou celle qui aura à le mettre en oeuvre, le cahier des charges relatif à la mission confiée. C'est aussi par rapport à cette lettre de mission que pourront être évalués par la suite les chefs d'établissement (cf. infra, proposition 35).

Proposition 17 : Au cours de la première année suivant sa nomination, le chef d'établissement reçoit de l'autorité académique une lettre de mission établie en concertation avec lui. Cette lettre fixe des objectifs précis dans le cadre des orientations nationales, et les adaptations spécifiques au contexte de l'établissement et de l'académie. Elle a valeur contractuelle et est donc co-signée.

3.3 - Un travail d'équipe                    sommaire
Si le chef d'établissement doit faire équipe avec son adjoint pour assurer avec son concours la responsabilité de la direction de l'établissement, il lui appartient, il leur appartient de faire équipe avec d'autres au sein de l'établissement, pour constituer une véritable équipe de direction au sens fonctionnel, et non plus statutaire, du terme. Ils seront du reste jugés en partie sur leur capacité à faire équipe. L'isolement d'une direction que l'on rencontre parfois sur le terrain va à l'encontre de cette exigence.

3.3.1 - Une équipe - Quelle équipe?
Le noyau dur d'une équipe de direction - ou, si certains préfèrent, de pilotage ou encore de coordination - se résume à trois personnes (parfois deux dans les petits établissements) : chef d'établissement et adjoint, gestionnaire. Il convient de souligner la place particulière qu'occupe ce dernier dans l'établissement, de par ses compétences techniques en gestion matérielle et financière. II est clair que le gestionnaire exerce ses missions sous l'autorité du chef d'établissement. Ces missions ont été précisées dans la circulaire du 6 février 1997, discutée en ce qu'elle semble désigner le gestionnaire comme adjoint, ce qui complique encore le positionnement déjà délicat de l'adjoint statutaire. Peut-être aurait-il été souhaitable d'élaborer cette circulaire en meilleure concertation avec les personnels de direction, qui étaient concernés au premier chef. Néanmoins, le champ de compétences évoqué parait rationnel, et il conviendra d'examiner sereinement quel parti en tirer dans les modes d'organisation des établissements (cf. infra, 3.3.2). En tout état de cause, un chef d'établissement ne peut pas ne pas faire équipe avec son gestionnaire, comme un gestionnaire ne saurait s'enfermer dans sa spécificité, fût-il agent comptable.

Par delà ces trois personnes-clés qui ont une responsabilité importante, il parait indispensable que soit prise en compte la dimension vie scolaire , qui joue un rôle éminent avec l'évolution récente des missions des établissements. A ce titre, doit être sollicitée la compétence du ou des CPE, dont l'éclairage est irremplaçable pour définir les stratégies de pilotage de l'établissement. Ce problème n'est cependant pas simple. L'évolution statutaire des CPE, les positions de leurs organisations représentatives, les éloignent parfois de la direction des établissements. Une clarification de leurs missions et des exigences qui en découlent a été unanimement demandée au sein de la table ronde. Elle est d'autant plus légitime que, désormais, près d'un sur cinq des nouveaux personnels de direction est issu du corps des CPE. Il serait paradoxal que persiste - chez certains - un refus de collaborer à une fonction à laquelle, parallèlement, ils aspirent. Les chefs d'établissement évoquent des différends très précis qui concernent le service de vacances, l'obligation de résidence, et le bénéfice d'un service hebdomadaire qui entraîne des trous en vie scolaire, trous bouchés par nécessité absolue de service par... le chef d'établissement ! Une remise à plat du positionnement des CPE est expressément souhaitée.

Il arrive néanmoins que nombre de CPE, par leurs qualités intrinsèques, par leur sens du travail en équipe, par leur souci de donner à la dimension vie scolaire toute la place qu'elle exige dans le contexte d'aujourd'hui, s'imposent non seulement comme des interlocuteurs incontournables des chefs d'établissement, mais parfois comme leurs plus précieux alliés. Il est évident que, dans l'idéal, tous devraient appartenir au premier cercle de leurs collaborateurs.

L'équipe de direction peut être conçue de manière plus large encore avec, dans les établissements où il existe, le chef de travaux qui est un conseiller précieux, le personnel social et de santé dont l'éclairage devient également essentiel et dont certains souhaitent que la place hiérarchique au sein de l'établissement soit mieux explicitée.

A ce stade de la réflexion, force est de constater que la complexification croissante des établissements, l'élargissement de leurs missions, le développement des technologies nouvelles, l'attention plus personnalisée qui doit être portée aux élèves et aux familles, requièrent des responsables d'établissement de travailler et surtout de s'organiser autrement.

Proposition 18 : La direction d'un établissement est assurée par un chef d'établissement, assisté le cas échéant d'un ou plusieurs personnels de direction adjoints. Une équipe de direction comprenant le gestionnaire, le CPE et, en fonction des situations, le chef de travaux, le personnel social et de santé doit être mise en place.

3.3.2- Des configurations variées
Tout le monde s'accorde sur la nécessité de libérer le chef d'établissement des tâches matérielles et ponctuelles pour lui permettre de se consacrer à sa mission fondamentale de pilotage politique, qui exige du temps et de la disponibilité. Il faut donc mettre en place un véritable organigramme de l'établissement, qui couvre toutes les fonctions et mobilise, par le biais de la délégation, le maximum de compétences. Certains vont jusqu'à proposer que les fonctions soient codifiées dans un texte. Il nous parait plus sage et plus conforme à l'esprit de l'autonomie de laisser les chefs d'établissement s'organiser, en fonction de la taille et du type d'établissement qu'ils dirigent. L'important est qu'ils choisissent, en concertation avec ceux qui le feront vivre, un type d'organisation clair, qui fera l'objet d'une large diffusion au sein de l'établissement et auprès des autorités hiérarchiques. Ce mode de management prendra alors une valeur contractuelle.

Proposition 19 : Un organigramme est adopté par le chef d'établissement pour assurer un pilotage en équipe. Ce document, qui prend valeur contractuelle, est révisable annuellement à l'initiative du chef d'établissement, en concertation avec ses collaborateurs concernés.

Plutôt que de bâtir des organigrammes-type -plusieurs ont été proposés, avec chacun leur logique et leur pertinence- il nous a paru plus judicieux de lister les principales fonctions qui doivent être organisées au sein des établissements. Le champ d'activité correspondant à ces fonctions devra être couvert dans l'organigramme de chaque établissement. La fonction première à organiser est, cela va de soi, celle qui concerne l'action pédagogique. Elle doit être davantage structurée qu'aujourd'hui. L'idée de créer des départements, avec un responsable enseignant en partie déchargé de cours, fait son chemin.

Quels que soient la qualité de l'adjoint et son investissement traditionnellement privilégié dans le champ de la pédagogie, les chefs d'établissement ont besoin de relais pour l'animation des équipes, pour la mise en oeuvre de l'ingénierie pédagogique, pour coordonner la réflexion sur l'adaptation des contenus et des méthodes. Afin de bien marquer l'importance de ce champ pédagogique une instance fonctionnelle nouvelle devrait être mise en place.

Selon l'organisation choisie par l'établissement, le chef d'établissement ou son adjoint sera l'animateur privilégié de cette instance. Celle-ci jouera un rôle moteur dans l'initiation du projet d'établissement, élargi ensuite aux autres acteurs de la communauté scolaire. Elle devra également impulser la politique d'éducation à l'orientation.

Proposition 20 : Les établissements se dotent d'un conseil pédagogique dont la composition est fixée par le conseil d'administration . II réunit des enseignants en respectant un équilibre entre les niveaux de formation et les secteurs disciplinaires, organisés ou non en départements.

Un second pôle fonctionnel, qui découle également des missions de l'établissement, concerne le vaste champ de la vie scolaire. Statutairement, il échoit au CPE et à son équipe. Il peut aussi, en liaison étroite avec la précédente fonction, s'élargir au champ du suivi et de l'accompagnement des élèves. Il intégrera également les domaines de la santé et du social qui ont un lien fort avec la vie scolaire.

Enfin, le dernier pôle est au service des deux précédents. Il concerne l'administration et la gestion de l'établissement, y compris la gestion des ressources humaines et la communication interne et externe.

Selon la configuration des établissements, leurs dimensions et les personnels dont ils disposent, ces pôles pourront être soit regroupés sous une même responsabilité, soit au contraire démultipliés et répartis entre plusieurs collaborateurs. Il est en effet impossible d'imaginer qu'un collège de 150 élèves et un lycée qui en accueille 2 500, ou encore une cité scolaire, fonctionnent suivant la même organisation.

Dans un petit collège, qui comprendra au maximum quatre personnes (le chef d'établissement, l'adjoint ou CPE, le gestionnaire, la secrétaire), il parait logique que le partage soit le suivant :

  • Chef d'établissement -- pôle pédagogique
  • Adjoint/CPE -- pôle vie scolaire
  • Gestionnaire -- pôle administration et gestion.

Dans les établissements moyens qui comportent six personnes (un chef d'établissement, un adjoint, un CPE, un gestionnaire, deux personnels de secrétariat), la répartition des trois pôles se fait naturellement entre l'adjoint, le CPE et le gestionnaire, ce qui permettrait au chef d'établissement de se rendre disponible pour son triple rôle de pilote, d'organisateur et d'animateur.

Enfin, dans les gros établissements, qui disposent d'une dizaine de collaborateurs (deux adjoints, deux CPE, un CASU, cinq personnels de secrétariat), il est possible de scinder davantage les responsabilités, notamment entre les deux adjoints et les deux CPE. La table ronde n'est pas unanime sur la question d'un pôle unique administration et gestion. Les chefs d'établissement, majoritairement, privilégient l'idée d'une séparation des deux fonctions. Ils revendiquent aussi un renforcement de leur secrétariat, et souhaitent disposer d'un collaborateur expérimenté, avec le profil d'attaché de direction. D'autres partenaires plaident pour un pôle unique placé sous l'autorité du gestionnaire qui, dans les gros établissements, est un fonctionnaire de catégorie A ou A+, recruté par un concours de haut niveau; il s'agirait dès lors de transformer le gestionnaire en un véritable secrétaire général de l'établissement.

Il n'est pas possible de trancher ce débat dans le cadre du présent rapport. Il serait néanmoins très regrettable que, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, se perpétue, voire se renforce, un cloisonnement de deux services : l'administration d'un côté, l'intendance de l'autre, alors que la mise en synergie de l'ensemble des personnels dans un service unique d'administration et de gestion permettrait de gagner en efficacité et de décharger réellement le chef d'établissement de toute cette partie administrative qu'il doit naturellement contrôler, mais qui bien souvent mobilise le plus fort de son activité, au détriment de sa mission première.

En tout état de cause il conviendra de donner à ce service les moyens de fonctionner efficacement, notamment en requalifiant les personnes qui en feront partie et en étoffant si nécessaire les effectifs existants.

Proposition 21: Mettre en synergie l'ensemble des personnels de l'administration et de l'intendance pour préparer un pôle unique de gestion administrative et financière, qui devra disposer de possibilités d'action suffisantes.

Par ailleurs, la dimension essentielle qu'ont prise les nouvelles technologies dans la gestion quotidienne des établissements parait légitimer le développement d'un métier nouveau de maintenance et d'aide à l'utilisateur, mutualisé au profit de plusieurs établissements.

Proposition 22 : Dans le ressort de chaque bassin de formation est progressivement implanté un poste de technicien de TICE.

IV La situation des personnels de direction                   sommaire
Après avoir examiné l'évolution des missions des établissements et les principes qui doivent présider à leur organisation, puis le rôle qui incombe aux responsables placés à la tête de ces unités et les divers modes de pilotage possible, la table ronde a abordé la situation des personnels de direction : vivier et recrutement, formation initiale et continue, carrière et rémunération, perspectives de débouchés vers d'autres métiers.
4.l - Le vivier et le recrutement                   sommaire
4.1.1- L'état des lieux
Malgré des revalorisations substantielles, la profession de personnel de direction n'attire pas. Les candidatures ont chuté de 30 % entre 1992 et 1997, passant de 2 788 à l 946 postulants. Cette crise affecte aussi bien le concours Cl, réservé aux agrégés (2 candidats par poste) que le concours C2 (3 candidats par poste). La session de 1998 (2 166 candidats) et plus encore celle de 1999 (2 566 candidats) ont vu s'amorcer une remontée, mais elle est trop récente pour que l'on puisse évaluer son caractère durable ou conjoncturel. En particulier, la perspective d'une formation assurée en responsabilité, formule retenue à titre transitoire pour le recrutement en cours, laisse vraisemblablement espérer à certains candidats une nomination dans leur académie, voire à proximité de leur domicile, et explique peut-être ce nouvel afflux.

A cette crise quantitative, s'ajoute une crise qualitative:
La baisse du nombre des candidats certifiés est en grande partie masquée par les néo-certifiés issus de l'intégration des PEGC et des PLPI 28. De fait, les candidats jeunes, lauréats des concours du CAPES ou de l'agrégation, sont peu, trop peu nombreux.

L'âge moyen des candidats s'est stabilisé autour de 45 ans. Si le pourcentage de candidats âges de 31 à 35 ans progresse (il est passé en deux ans de 5,6 % à 9,8 %), la tranche d'âge de 5 là 55 ans s'accroît également (18,9 % en 1999 contre 14,7 % en 1997). Au total, au concours de recrutement qui se déroule actuellement, 52 % des candidats ont plus de 45 ans.

Il y a là manifestement un problème objectif : comment attirer des agrégés et certifiés jeunes vers ces fonctions ? Le changement de conditions de travail et de niveau de responsabilité nécessite sans doute un différentiel plus marqué.

Jusqu'à l'année dernière, cette insuffisance quantitative et qualitative de candidatures a eu pour conséquence l'impossibilité pour les jurys successifs de pourvoir l'ensemble des postes offerts, sous peine de renoncer à un niveau minimum (seuil d'admission à 9,2/20 en C l, à 8,6/20 en C2)29. Les vacances de postes ont généré un nombre croissant de personnels faisant fonction qui, oscillant de 600 à 650 de 1993 à 1996, sont passés à 944 en 1997 et 1065 en 1998 sous l'effet, notamment, du congé de fin d'activité.

Cette situation devrait sensiblement s'améliorer en 1999, du fait que les deux promotions recrutées au titre des exercices 1998 et 1999 entreront ensemble en responsabilité. A l'issue de cette double campagne, les personnels intérimaires devraient revenir à une proportion raisonnable de 200 à 250 personnes, soit 2% du corps au lieu de 8% précédemment.

4.1.2- Elargir - Pourquoi? Jusqu'où?
Le problème de l'élargissement du vivier a été longuement évoqué. Si les avis apparaissaient au départ assez partagés entre les défenseurs du statu quo au nom du rôle pédagogique premier du chef d'établissement et de sa légitimité vis-à-vis des enseignants, et les partisans d'une ouverture à d'autres catégories de fonctionnaires, voire à des cadres de l'entreprise privée, la table ronde a progressivement évolué vers un quasi consensus pour une ouverture prudente et progressive à d'autres corps appartenant à la fonction publique.

Il convient de préciser que ce souci d'ouverture n'est pas lié à la crise de recrutement, mais veut donner un signal fort d'un souhait des personnels de direction d'élargir leurs horizons et d'enrichir leur vision.

La référence à la compétence et à la légitimité pédagogique ne doit pas être éludée. En effet, il ne s'agit pas de distinguer deux catégories de chefs d'établissements, les uns originaires de la pédagogie et tournés vers cette dernière, les autres voués à l'administration et à la gestion.

par la pratique de la pédagogie?
On peut avoir été enseignant et manquer de pédagogie dans l'exercice de ses fonctions de direction. On peut n'avoir jamais tenu une classe - c'est le cas de certains CPE et de la plupart des COP - et bien réussir dans des fonctions de direction. Par ailleurs, il n'est pas rare que des cadres administratifs de l'Education nationale aient une expérience d'enseignement. Les titres universitaires atteints par bien des cadres A de la fonction publique relèvent des niveaux l et 2, alors que de plus en plus nombreux se présentent au concours des candidats justifiant d'un diplôme de niveau 3, 4, voire 5. La session en cours confirme cette tendance. Un candidat non enseignant pourra mettre en oeuvre des qualités et des compétences de manager et de pédagogue, d'humaniste et de gestionnaire , et beaucoup jugent intéressant d'avoir à la tête des établissements des personnalités aussi diverses que possible .

Cette ouverture devra naturellement être progressive pour se stabiliser, si l'expérience est concluante, autour de 30 % dans cinq ans. Le précédent des candidatures externes au concours de CPE et de professeur des écoles constitue un exemple encourageant.

Les lauréats issus d'un vivier extérieur à l'actuel devront bénéficier d'une formation en partie spécifique, comportant une immersion en établissement , afin de parfaire les aptitudes décelées par le jury.

En contrepartie de cette ouverture vers l'extérieur, les chefs d'établissement souhaitent pouvoir bénéficier d'accès en débouchés à certaines carrières, dans le contexte d'une mobilité interministérielle accrue que prône la réforme de l'Etat.

Proposition 23 : Les fonctions de personnels de direction sont désormais accessibles aux personnels de la fonction publique d'Etat, hospitalière ou territoriale, [âges de 30 à 45 ans, classés dans un corps de catégorie A ou A+, titulaires d'un diplôme universitaire de niveau Bac + 4, justifiant d'au moins 5 ans d'activité professionnelle en catégorie A et ayant effectué au moins une mobilité géographique ou fonctionnelle.

Quant aux modalités du concours externe, la table ronde a émis plusieurs hypothèses : soit le même concours pour tous, soit deux concours séparés. Faut-il autoriser l'apport extérieur au niveau du seul C2 ou donner accès au C l aux catégories A+ et A supérieur, sachant que le C2 ne sera sans doute pas suffisamment attractif pour de nombreux candidats extérieurs ? Un groupe de travail devra approfondir cette question et définir, le cas échéant, les modalités d'un concours externe.

Par ailleurs , il serait opportun, dans l'hypothèse où les candidats reçus au concours ne se satisferaient pas de leurs fonctions ou se révéleraient mal adaptés à celles-ci, de leur accorder un droit au retour dans leur corps d'origine comme cela est également proposé pour l'ensemble des personnels de direction (cf. infra proposition 39).

Proposition 24 : Etudier la possibilité de placer les lauréats issus du vivier extérieur pour une durée maximale de 5 ans, en position de détachement de leur corps d'origine. Au terme de ces 5 années, ils seraient, à leur demande, et après avis favorable des autorités hiérarchiques de l'éducation nationale, intégrés à titre définitif dans le corps des personnels de direction. A défaut, ils retourneraient à leur corps d'origine.

4.1.3 - Les conditions et modalités de recrutement
II convient de rappeler au préalable que trois formules ont été expérimentées en moins de 20 ans:

  • le recrutement par liste d'aptitude (décret nƒ 81.482 du 8 mai 1981).

  • le recrutement par concours sur épreuves (écrit et oral) et par liste d'aptitude (décret no 88.343 du II avril 1988).

  • le recrutement par concours sur dossier et épreuve orale, ainsi que par liste d'aptitude ouverte aux faisant fonction (décret nƒ 95.1189 du 6 novembre 1995).

La table ronde s'est interrogée sur les attentes de l'institution, s'agissant de personnels d'encadrement supérieur de l'Etat. Il convient de vérifier quatre types de capacités : analyse et synthèse (capacités intellectuelles), management (écoute, travail en équipe, relations humaines), adaptation et mobilité, respect des exigences et des contraintes du métier (disponibilité, implication).

La pertinence des conditions de recrutement actuelles au regard de ces attentes a fait l'objet d'un examen attentif. Plusieurs pistes ont été proposées:

  • la déconcentration du recrutement des adjoints au niveau des recteurs d'académie par le biais d'une liste d'aptitude, le concours et le mouvement national étant réservés à l'accès aux fonctions de chef d'établissement, une fois passée la période probatoire obligatoire d'adjoint pendant une durée de l'ordre de 3 ans;
  • la déconcentration de l'admissibilité (épreuve sur dossier) au niveau académique;
  • le retour à la liste d'aptitude pour les deux types de fonction ;
  • le rétablissement d'une admissibilité sur épreuves écrites.

Une tendance se dégage en faveur du maintien d'un concours national, éventuellement réaménagé afin de mieux déceler les aptitudes à la fonction , avec parfois une insistance pour qu'il soit clairement affirmé comme la voie naturelle .

II apparaît que la définition actuelle des épreuves n'a encore que quatre ans d'existence et qu'il n'est pas fondamentalement nécessaire d'en changer. On pourrait cependant concevoir une déconcentration de l'admissibilité au niveau académique. Mais quelle que soit la formule retenue, une très grande vigilance des autorités hiérarchiques et fonctionnelles s'impose durant les années où le stagiaire est en responsabilité pour déceler une éventuelle erreur manifeste dont aucun système de sélection n'est à l'abri, ce qui implique un avis sérieux, établi dans la transparence d'une évaluation contradictoire.

Le problème d'une limite d'âge pour l'accès aux concours de recrutement, face au vieillissement du vivier, se pose de manière de plus en plus aigu. L'attractivité d'un corps suppose que l'on y accède assez jeune, en particulier lorsqu'il s'agit d'un métier qui implique responsabilité, encadrement, dynamique d'entraînement.... Aussi parait-il de plus en plus souhaitable et souhaité que soit instaurée une limite d'âge. Le chiffre le plus souvent évoqué est celui de 45 ans, sous réserve naturellement de la législation particulière aux mères de famille. Il convient néanmoins d'agir prudemment et progressivement, sous peine de tarir brutalement un vivier déjà insuffisant (les personnes âgées de plus de 45 ans représentent depuis plusieurs années 52 % de l'ensemble des candidats au concours).

Proposition 25 : La limite d'âge supérieure d'accès au concours de recrutement est fixée à 55 ans pour les concours Cl et C2. Elle est progressivement ramenée à 50 ans, à raison d'une année par an, durant les cinq prochaines sessions.

Beaucoup d'enseignants hésitent à franchir le pas d'une fonction si différente de la leur, et dont les conditions de travail et de responsabilités sont très contraignantes. Il semblerait également que le caractère irréversible de la fonction ait un effet dissuasif. Une possibilité de détachement avec droit de retour serait probablement susceptible d'accroître le nombre de candidats.

4.1.4 - La situation des actuels faisant fonction
De nombreux faisant fonction n'ont pas démérité et sont très appréciés par les autorités hiérarchiques qui ont fait appel à eux. Cependant, il arrive que malgré plusieurs tentatives, ils ne franchissent pas la barre du concours national. D'autres, vraisemblablement par crainte d'un déplacement géographique, ne s'y présentent pas . II convient donc que des dispositions particulières plus efficaces que celles qui existent actuellement leur soient offertes.

La procédure qui régit les actuelles listes d'aptitude doit être assouplie. En effet, les places offertes ne concernent que les académies réputées peu attractives, ce qui est en soi de bonne gestion. Néanmoins, les académies attractives, déjà taxées dans le cadre des premières affectations en ne recevant pas tous les titulaires nécessaires pour combler les vacances de postes, sont contraintes à recourir à des faisant fonction dont la plupart n'envisagent pas une mobilité géographique. Il est du reste paradoxal que l'ensemble des postes offerts à la liste d'aptitude, bien qu'en petit nombre, ne soient pas pourvus chaque année.

Proposition 26 : Les personnels faisant fonction depuis au moins trois ans peuvent être titularisés par liste d'aptitude, dans leur académie d'exercice, en qualité d'adjoints. Il ne pourront néanmoins accéder aux fonctions de chef d'établissement qu'à condition d'accepter une mutation dans le cadre du mouvement national.

4.2 - La formation                    sommaire
La formation, initiale et continue, vise à construire ou développer les compétences attendues d'un responsable d'établissement et à élever le niveau de professionnalisme celui-ci étant plus lié à la capacité de faire face à l'incertitude et au complexe qu'à la définition prétendument exhaustive et par là même éducatrice d'une fonction.

La formation initiale devrait durer une année : cet allongement par rapport au dispositif actuel entraînerait quelques coûts, mais l'enjeu pour le bon fonctionnement du système éducatif est tel qu'il suffirait à les justifier. Elle se déroulerait en alternance, pour allier les enseignements de la pratique à une vision plus systématisée.

Elle devrait porter sur trois domaines principaux:
  • les compétences administratives et juridiques;
  • la gestion des ressources humaines, l'organisation et la communication;
  • l'expertise pédagogique

Ces domaines correspondant aux missions des chefs d'établissement qui ont été recensées plus haut . Elle serait dispensée par des formateurs de haut niveau : les implications juridiques de la fonction, notamment, deviennent si complexes qu'elles ne peuvent être précisées que par des professionnels du droit ; et la perception des incidences de l'environnement professionnel, géographique et social sur le fonctionnement du système éducatif (et des établissements en particulier) nécessite une approche conceptuelle qui est insuffisamment répandue chez les formateurs de terrain. Les EAAVS jouent un rôle important pour les formations centrées sur les pratiques, mais il conviendrait de les renouveler périodiquement sur appel d'offres et de compléter leur apport par une culture plus large et plus distanciée, qui pourrait être dispensée dans un cadre universitaire.

Proposition 27 : Porter à un an la durée de la formation initiale ; faire appel à des formateurs de haut niveau.

- La formation continue a pour objectif de faciliter l'adaptation aux mutations du système et de répondre aux besoins particuliers des chefs d'établissement dans les différents aspects de leur métier. Elle devrait donc être construite d'une part en fonction des nécessités constatées sur le terrain, d'autre part en fonction d'objectifs définis par les responsables nationaux et académiques. Certains de ces modules pourraient être communs aux différents corps de personnels d'encadrement ; d'autres, - par exemple pour ce qui concerne les TICE - avoir une assise intercatégorielle encore plus large. Les plans académiques de formation devraient compter un volet relatif à la formation continue des personnels de direction.

En raison de son importance pour le bon exercice de la fonction, on pourrait proposer que la formation continue soit rendue obligatoire. En tout état de cause, elle devrait être prise en compte dans l'évaluation des chefs d'établissement, notamment à l'occasion d'un changement d'affectation.

Proposition 28 : Inclure dans les plans académiques de formation un volet concernant la formation continue des personnels de direction.

4.3- La carrière                    sommaire
La carrière convient de faire apparaître les problèmes liés au déroulement de la carrière des personnels de direction, au système très complexe des rémunérations, à la mobilité, et de proposer des débouchés possibles vers d'autres corps de la fonction publique.

4.3.1-La rémunération
II va de soi que ce rapport ne peut formuler de propositions précises en matière de grille indiciaire ou indemnitaire, sachant que le problème dépasse les attributions du seul ministère de tutelle, car il implique également la Fonction publique et le Budget. Il nous a paru néanmoins normal, comme y invitait la lettre de mission, de faire le point sur cette question pour relever les aspects le plus souvent cités.

La rémunération des personnels de direction est devenue un système très complexe et peu lisible, à la suite des droits successivement acquis dans le cadre des différents protocoles d'accord conclus en février 1990, janvier 1993 et janvier 1995.

Sur le plan du traitement principal, on distingue trois niveaux de salaires:
  • la 2ème catégorie/2èrne classe (2.2) correspond à la classe normale des professeurs certifiés. Cependant la mise en place des accords Durafour permettra un décrochage sensible puisque l'indice terminal passera de 655 à 693.
  • la 2ème catégorie/ l ère classe (2.1) et la 1ère catégorie/2ème classe (1.2) bénéficient de la même grille indiciaire, qui correspond à celle des agrégés de classe normale, avec un indice terminal 818.
  • la 1ère catégorie/ l ère classe (1.1) s'aligne sur la hors classe des professeurs agrégés, avec l'indice terminal 960 (hors échelle A).

La répartition entre les catégories et en leur sein entre les classes est très inégale. En 1996, les 13.178 personnels de direction se ventilaient de la manière suivante:

TOTAL
1ère catégorie 1.1 : 202 1.2 : 417   619
2ème catégorie 2.1 : 3 087 2.2 : 9 460 2.3 : 12 12559

La première catégorie ouverte aux agrégés représentait donc 4,7 % de l'ensemble, et les bénéficiaires de la 1.1 (échelle lettre A), à peine 1,5 %.

La grande majorité (9 460 soit 71,8%) se trouve en 2.2, donc dans la classe normale des professeurs certifiés, dont ils devraient être décrochés depuis 1996 au terme des accords Durafour. A ce propos leur impatience est grande et on peut la comprendre : une profession exposée ne voit publier qu'en octobre 1998 le décret d'application de mesures ayant effet au l"' septembre 1996, en vertu d'un protocole Fonction publique qui remonte à ... 1989. Au terme de ce décret, la carrière en 2.2 passera de 11 à 10 échelons, le terminal représentant un différentiel sensible par rapport aux certifiés (indice 693 au lieu de 655). Ce problème devrait se régler d'ici juin 1999 si le logiciel de traitement annoncé arrive dans les temps aux services rectoraux concernés.

Le régime des bonifications indiciaires varie suivant la catégorie de l'établissement - ceux-ci sont classés en cinq catégories - et la fonction réellement exercée (chef ou adjoint). Depuis le protocole du 3 février 1995, une nouvelle bonification indiciaire (NBI) a été instaurée pour les seuls chefs d'établissement de 3ème, 4ème, et 4ème exceptionnelle catégories. L'écart extrême de bonifications indiciaires s'étale donc de 50 points pour un adjoint dans un établissement de 1ère catégorie à 230 points pour un chef exerçant dans un établissement de 4ème exceptionnelle.

Ces bonifications indiciaires sont prises en compte pour la retraite dans la limite de l'indice butoir 960 qui correspond au dernier échelon de l'échelle lettre A. Autrement dit, un chef d'établissement au dernier échelon de la 1.1, donc à l'indice 960, perd le bénéfice de ses bonifications indiciaires pour le calcul de ses droits. Il s'agit là d'une règle de la fonction publique. A ces bonifications indiciaires. s'ajoutent deux indemnités:

  • de sujétions spéciales, qui varie de 9.450 F à 30.690 F dans les lycées, suivant le poste occupé (chef ou adjoint) et la catégorie de l'établissement, et est uniformément fixée à 12.210F pour les proviseurs de LP et principaux de collèges et à 9.450 F pour les adjoints des mêmes types d'établissements.
  • de responsabilité de direction, avec deux taux suivant la catégorie d'appartenance (1ère ou 2ème) et suivant la fonction occupée (chef ou adjoint), ce qui donne une fourchette de 6.102 F à 12.657 F.

Certains chefs d'établissement, touchent également des indemnités liées à des charges particulières. Il s'agit notamment de la responsabilité d'un centre d'examens ou d'un GRETA, ou encore d'un CFA annexé dont les responsables déplorent unanimement l'insuffisante prise en compte financière.

Enfin, les personnels de direction se voient offrir dans leur très grande majorité un logement de fonction, par nécessité absolue de service, ce qui les dispense du loyer et en grande partie des charges. Le parc de ces logements est néanmoins particulièrement disparate : quoi de commun entre le superbe et spacieux appartement d'un lycée historique de centre ville et des logements exigus, mal insonorisés, de type HLM existant dans les établissements des banlieues difficiles, où il est parfois nécessaire de vivre volets fermés pour se protéger des projectiles?

Au total, la rémunération des personnels de direction est très variable. Les extrêmes vont de moins de 150 000 F à plus de 400 000 F par an pour une petite minorité. La DPATE, dans le document mis au point pour l'appel à candidatures à la session 1999, situait entre 13 000 et 16 000 F - indemnités comprises - la rémunération nette mensuelle d'un adjoint en début de carrière et entre 25 000 et 31 000 F celle d'un chef d'établissement en fin de carrière.

De ces observations se dégagent quelques demandes fortes qui sont constamment revenues dans la table ronde:

  • nécessité d'un différentiel plus marqué en début de carrière, notamment pour les personnels qui bénéficiaient avant l'entrée dans le corps d'un niveau universitaire et indiciaire plus favorable. Des efforts substantiels ont été consentis pour la fin de carrière ; c'est donc sur le début qu'il faudrait agir si l'on veut aider de bons enseignants à franchir le pas. Il est souvent fait observer qu'un professeur agrégé assurant deux heures supplémentaires, ou exerçant en classe préparatoire, est perdant en devenant chef d'établissement
  • fusion des catégories 2.2. et 2. l
  • simplification du régime indemnitaire:
    la Blet la NBI devraient être fusionnées, de même sans doute que l'indemnité de direction et de sujétions spéciales
  • généralisation de la NBI à tous les chefs d'établissement et aux adjoints
  • réduction des écarts indemnitaires entre chefs et adjoints
  • révision du classement des établissements:
    il est unanimement demandé. Deux revendications précises sont exprimées : réduire le nombre d'établissements de 1ère catégorie (qui représentent actuellement 19,5% de l' ensemble),et tenir compte dans les critères de la durée d'ouverture des établissements. Certaines anomalies sont dénoncées, tel le poids excessif accordé à des élèves qui ne posent pas de problèmes (notamment ceux des classes post-bac), alors que les effectifs de collèges situés dans un environnement difficile et qui requièrent une attention de tous les instants sont mal pris en compte. Ne conviendrait-il pas aussi d'introduire un critère d'établissement peu prisé parce que trop difficile ou trop isolé, et de prendre en compte les élèves de CFA dans le classement ? D'aucuns proposent que celui-ci soit déconcentré au niveau des recteurs afin de mieux correspondre à la réalité du terrain. Il y a là, en tout état de cause, une remise à plat à opérer.
  • levée du butoir 960:
    cette mesure aurait un effet pour les personnels retraités, qui sont frappés par une réglementation de type fonction publique.
  • échelle unique de salaire:
    celle-ci entraînerait la suppression des tableaux d'avancement pour les changements de classe ou de catégorie. Les personnels bénéficieraient d'un avancement automatique et non plus contingenté, ce qui pose tout de même le problème de l'évaluation et de sa gratification.
  • accès à la hors-échelle B:
    cette revendication est associée à l'éventuel élargissement du vivier aux catégories A+ et A supérieur de la fonction publique. Il est clair qu'elle remet en cause le positionnement du corps des IA-DSDEN et IA-IPR, qui précisément peuvent atteindre la hors-échelle B, alors qu'ils sont appelés à constituer un corps de débouché pour les chefs d'établissement.

Il convient d'avoir à l'esprit que c'est sur le plan des revendications salariales que la profession a le plus progressé ces dernières années avec le protocole d'accord et ses prolongements 35. Aussi, des pistes de réflexion ouvertes, conviendrait-il d'extraire deux ou trois priorités justifiant des correctifs.

Proposition 29 : remettre à plat le classement des établissements en actualisant les critères : impliquer davantage les services déconcentrés dans son élaboration.

Proposition 30 : Entreprendre rapidement une réflexion sur le différentiel de début de carrière

Proposition 31 : Donner un accès moins restreint à la catégorie 1.1 pour les meilleurs chefs d'établissement de 2ème catégorie; rechercher un meilleur équilibre entre les catégories, notamment 2.1 et 2.2.

Enfin, le logement de fonction représente, suivant les cas, des valeurs extrêmement différentes, parfois même une valeur négative pour la famille qui se voit contrainte d'y habiter. Il ne serait pas illégitime d'envisager que l'indemnité de sujétions spéciales soit modulée positivement lorsque le logement représente une contre valeur.

Par ailleurs, on peut regretter que l'état du parc de logements de fonction soit quasiment inconnu des autorités académiques et des collectivités territoriales de rattachement

Proposition 32 : Demander aux collectivités territoriales de rattachement d'établir, en liaison avec les autorités académiques, un état des logements de fonction des établissements scolaires.

Proposition 33 : Accroître le montant de l'indemnité de sujétions spéciales lorsque le logement de fonction représente une contre valeur.

4.3.2. - L'évaluation
L'évaluation des chefs d'établissement est un vieux serpent de mer. Plusieurs projets de rénovation du système, élaborés dans le souci d'offrir à des cadres de haute responsabilité une procédure digne de cette responsabilité, ont été voués à l'échec. Il en résulte que toute évaluation formelle a disparu depuis dix ans.

Les chefs d'établissement ont fait savoir avec insistance qu'ils souhaitaient être évalués. Là encore, il y a un consensus clair. D'autant plus clair qu'ils ont conscience d'être évalués, de fait, soit à la faveur d'une demande de mutation, soit lors de l'établissement des promotions. Mais cette évaluation, parfois qualifiée de "sauvage", leur parait peu transparente. "L'appréciation et le pronostic ne sont pas l'aboutissement d'une procédure claire, uniforme et contradictoire, et ne répondent pas à des critères raisonnes et loyalement affichés".

Dès lors que l'institution leur a fixé des objectifs précis par le biais de la lettre de mission évoquée plus haut, l'évaluation, sur la base de cette lettre, devient possible, souhaitable, obligatoire, car elle "procède d'une exigence démocratique demandée aux fonctionnaires disposant d'une autorité et d'un champ important d'autonomie ". Beaucoup estiment que l'évaluation des personnels de direction doit conclure l'évaluation globale de l'unité d'enseignement qu'est l 'EPLE.

De nature formative, elle doit être conduite sous forme contradictoire et générer des conséquences, après sa transformation en notation, en termes de promotion et de carrière. Elle devra en outre déboucher sur des propositions de formation continue permettant à l'évalué de combler ses manques.

Cette procédure ne devra pas être trop lourde, sous peine, une nouvelle fois, de ne pas aboutir. Il est souhaité qu'elle puisse avoir lieu aux périodes clés de la vie professionnelle (promotions, mutations, détachements, sortie du corps en débouché de carrière). Une évaluation intermédiaire plus légère pourrait être envisagée en lien avec l'avancement.

Qui seront les évaluateurs? A coup sûr le recteur, qui s'entoure des avis qu'il estime nécessaires. La plupart ne souhaitent que cette évaluation de l'autorité hiérarchique (recteur et/ou/via IA-DSDEN), d'autres prônent un regard croisé de la hiérarchie d'autorité et de la hiérarchie fonctionnelle (inspection générale). En tout état de cause, il est souhaitable d'" identifier clairement l'évaluateur ".

Le processus d'évaluation doit reprendre progressivement. De l'établissement de la lettre de mission à la conclusion de l'évaluation proprement dite débouchant sur un plan de formation continue, il exigera une mobilisation forte des instances académiques.

Proposition 34 : Un groupe de travail paritaire doit rapidement se mettre en place pour définir dans la plus grande transparence un processus concerté d'évaluation des personnels de direction.

4.3.3 - La mobilité
Le métier de personnel de direction exige un dynamisme que seule une mobilité périodique est susceptible de raviver ou de maintenir. La table ronde dans son ensemble s'est prononcée en faveur d'une mobilité obligatoire ou, à tout le moins, fermement incitative. La durée de fonction dans un même établissement qui parait raisonnable serait de six ans, avec un minimum de trois ans et un maximum de neuf ans.

Proposition 35 : Le chef d'établissement nouvellement nommé reçoit une lettre de mission pour une durée de trois ans. Celle-ci est renouvelable pour trois ans. Au terme de six années dans le même établissement, la mission n'est prolongée qu'annuellement. La durée de fonction dans un même établissement ne peut dépasser neuf ans.

Le développement de cette mobilité, souhaitée par la majorité des personnels de direction, suppose que soient organisés des parcours de carrière suffisamment attractifs et incitatifs. Trop souvent des adjoints piétinent dans des postes peu prisés, ou dans des lycées de taille importante, sans en être toujours correctement récompensés. La mobilité doit être organisée de manière à prendre en compte les situations familiales. Cela implique une mobilisation des DRH dans les académies et leur renforcement, comme celui du bureau de la DPATE qui gère 13.000 agents avec 18 personnes et est "embolisé par les tâches courantes ".

En comparaison, une contribution relève qu'IBM France, dont la gestion est à la fois très répartie et informatisée, dispose d'une DRH de 100 personnes pour gérer 18.000 agents...

Les rôles respectifs de l'administration centrale et des échelons académiques devront être précisés, pour éviter les redondances.

4.3.4 - Des débouchés vers d'autres métiers
Est-il possible de rester chef d'établissement à vie?
Certains sont entrés très jeunes dans la fonction, autour de la trentaine. Les voilà embarqués pour 30 à 35 ans. On peut comprendre qu'ils aient envie d'en sortir, soit pour enrichir leur expérience, soit pour accéder à des responsabilités plus larges, assorties d'une promotion.

On peut imaginer qu'une carrière idéale de personnel de direction s'épanouisse sur 15 ou 20 ans, à travers un ou deux postes d'adjoint, et deux à trois postes de chef en pleine responsabilité. Il convient donc qu'au terme d'un tel parcours, à supposer qu'il soit effectivement proposé et organisé, les chefs d'établissement puissent mettre leur expérience au service d'autres secteurs de la fonction publique. Cette aspiration peut aussi intervenir plus tôt et devrait être facilitée par des passerelles. Enfin, il peut paraître légitime que des chefs d'établissement éprouvent le besoin de retrouver, pour un temps ou pour la fin de leur carrière, le contact direct avec les élèves au sein de la classe ; une évaluation de leur projet serait alors souhaitable.

On pourrait retenir les propositions suivantes:

Proposition 36 : corps de débouchés: les chefs d'établissement doivent pouvoir accéder beaucoup plus facilement qu'aujourd'hui aux fonctions d'IA-DSDEN ou d'IA-IPR, notamment Etablissements et vie scolaire, qui constituent des débouchés promotionnels naturels. Les chefs d'établissement devraient constituer le vivier naturel de la nouvelle fonction proposée d'IA-DAES (correspondant de proximité), qui serait d'autant plus légitimée qu'elle serait confiée à des personnes qui ont exercé des responsabilités en établissement.

Proposition 37 : corps de mobilité : l'ouverture du vivier de recrutement suppose une réciprocité au bénéfice des personnels de direction. Les chefs d'établissement devraient pouvoir accéder, soit par concours, soit par détachement, à d'autres corps d'encadrement de la fonction publique, au sein de l'Education nationale (CASU en rectorat ou IA, SGASU), ou dans un cadre interministériel (administrateurs civils, corps préfectoral, administration hospitalière, jeunesse et sports, culture...).

Proposition 38 : droit au retour : tout personnel de direction devrait pouvoir, pour un temps ou à titre définitif, retourner à son corps d'origine, par le biais d'un détachement.

Cette disposition permettrait, en début de carrière, de régler sans difficulté les erreurs d'aiguillage, toujours possibles dans une fonction aussi complexe, et en fin de carrière, de prévenir la lassitude, la routine ou la fatigue par un retour aux sources. Elle pourrait aussi offrir aux personnels de direction la possibilité d'accéder à la CFA qui ne leur est pas ouverte aujourd'hui, car incompatible avec une responsabilité ne pouvant être scindée.

La revalorisation du rôle des chefs d'établissement a ainsi de multiples facettes. L'amélioration de leurs conditions de travail est indispensable à un bon exercice de ce rôle. Une définition claire de ce que l'institution en attend aujourd'hui est également nécessaire : elle passe aussi bien par une directive ministérielle actualisant le contenu et le sens de leur mission que par l'instauration de relations nouvelles avec les autorités académiques. La condition matérielle qui leur est faite doit pareillement faire l'objet d'un suivi attentif: tout ce qui contribue à un exercice serein de la fonction sert, par delà les intéressés, le bon fonctionnement du système éducatif. La dernière proposition qui sera faite ici illustre et conclut tout à la fois les travaux menés par la table ronde

Proposition 39: L'autorité académique procède publiquement, dans l'établissement, à l'installation du principal ou du proviseur nouvellement nommé.

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