LE LIVRE NOIR DU REMPLACEMENT

DES PROFESSEURS DE DORDOGNE ET D'AUTRES DEPARTEMENTS

une initiative du

Réseau Action Défense des TZR

http://perso.wanadoo.fr/arkham/siterad/rad

 



dernière mise à jour, le 21-06-99

Sommaire :

Introduction

1) Mme M., Histoire-Géographie

2) M. T., Histoire-Géographie

3) Mme. E., Lettres

4)  M. G., Philosophie

5)  Mme F., Lettres

6)  M. A., Mathématiques

7) Melle P., Lettres

8)  M. M., Histoire-Géographie

9) M. R., Génie Mécanique

10) Mme T., Philosophie

11) Histoire-Géographie


Introduction

        Témoignages sur la manière et les conditions dont sont effectués les remplacements de professeurs absents, en fonction du principe de C. ALLEGRE et de ses représentants locaux : « Pas de classe sans adulte ». Le peu de considération pour la qualité du savoir transmis à l'occasion de ces remplacements, le peu d'intérêt pour ce qui sera réellement appris par les élèves dans ces conditions, prouve que le ministre, et avec lui toute son administration, ont cessé d'avoir pour l'école de la République la moindre ambition. C'est l'école privée qui peut donc se frotter les mains puisqu'elle seule pourra faire ce que le public n'aura plus les moyens de réaliser.

Jugez sur pièces : ces témoignages nécessairement anonymes se sont tous réellement produits, l'Inspection Académique en est informée, et n'y trouve rien de choquant.

Les témoignages qui suivent émanent de professeurs certifiés ou agrégés qui cumulent pour la plupart moins de cinq ans d'ancienneté.
Les premiers témoignages ont été recueillis dans le département de la Dordogne (académie de Bordeaux). Après une première diffusion, des réactions nous sont parvenues de la France entière (Lille, Caen, La Réunion...)

Ces propos font figures d'exemples de situations vécues par plusieurs collègues et incarnent l'expérimentation in vivo des réformes d'Allègre. Tel est l'avenir du non service public de l'Education Nationale.
 
 

Ça n'arrive qu'aux autres ?

Exagération ? Cafouillage ?

    Stagiaires IUFM, TA et TR heureux (mais pour combien de temps?), sachez que la majorité des personnes qui ont témoigné croyaient eux-aussi que cela ne pouvait pas arriver, jusquíà...

    Ce n'est pas un cafouillage administratif, mais une volonté planifiée d'utiliser de façon polyvalente le personnel spécialisé non fixé (certifié ou agrégé), au détriment de la qualité de l'enseignement.

Aujourd'hui dans les académies pilotes,
demain généralisation dans toutes les académies ?

Diffusez ce Livre Noir autour de vous, adressez-vous aux élus et parents d'élèves afin de les sensibiliser, et n'hésitez pas à nous faire part de vos réactions.

 

Témoignages et réactions sont diffusés de façon anonyme avec l'autorisation des auteurs.

Sommaire


1) Témoignage de Mme M., Histoire-Géographie

         « Dans le monde merveilleux et magique de l'Éducation Nationale, mieux vaut être paré à toute éventualité... Oyez-donc la triste histoire d'une TA sur ZR.

Un gai petit matin de juillet 1996, notre héroïne, que l'on appellera Mme M. pour ne pas en dire plus, apprend qu'elles est reçue aux CAPES d'Histoire-Géographie. Sur le moment - quelle naïve ! - elle a cru qu'il s'agissait d'une bonne nouvelle. Elle s'imaginait déjà dispensant son savoir historique à ces chères têtes blondes...

Ayant goûté, une année durant aux joies ineffables de l'IUFM, Mme M. reçoit sa première affectation : TA Créteil. Dans le même temps, car trop de bonheur à la fois nuit, son époux était muté dans l'Académie de Poitiers. Fort heureusement, le Seigneur dans son infinie bonté, a créé le TGV. Mais Mme M. ne se plaint pas : au bout d'un an, elle rejoint sa Dordogne natale, avec un nouveau statut au nom étrange TA sur ZR.

Première question qu'elle se pose alors : Mais qu'est-ce donc qu'un TA sur ZR?
(Excellente question s'il en est...). La réponse est on-ne-peut-plus simple, les cinq commandements du parfait Titulaire Académique sur Zone de Remplacement sont que :
1 - Le bon TA sur ZR doit savoir couvrir les livres du CDI. Il est d'ailleurs inadmissible que Mme M., malgré son Bac + 5 ne sache toujours pas qu'on ne met pas du scotch directement sur la couverture des livres.
2 - Le bon TA sur ZR doit être une bonne secrétaire : Mme M. peut ainsi préparer des tableaux qui serviront lors des conseils de classe (cela ne fait que 475 noms et autant de prénoms, quoique certains parents compliquent à souhait les choses en donnant plusieurs prénoms à leurs enfants...), rentrer les notes d'évaluation 6ème ou passer des heures à rechercher sur internet un établissement étranger susceptible de participer au "Projet Europe" de collègues qui n'ont pas de temps à perdre, eux.
3 - Le bon TA sur ZR doit bien comprendre qu'il n'enseignera pas sa discipline (ce serait trop facile). Mme M. est parfaitement capable (n'est-elle pas allée à l'Université?) de faire un cours de SVT en 6ème ("mais si, cela rejoint le programme de géographie 6ème, relisez-le donc si vous en doutez"), d'enseigner le français langue étrangère à un jeune Marocain ou de faire de la remédiation français en 6ème pour les élèves en difficulté. Polyvalence doit être son maître mot.
4 - Le bon TA sur ZR pourra être autorisé à enseigner sa discipline dans trois cas de figure :
- pour remplacer (à son insu) un collègue gréviste (si si)
- pour remplacer les collègues en stage et servir d'assistante ("tu me  prends mes 3ème ? de 4 à 5h et ça m'arrangerait que tu commences  l'agriculture française")
- lorsqu'il remplace un prof d'espagnol et qu'il ne parle pas un mot d'espagnol : là, on peut se résoudre à laisser Mme M. faire de l'Histoire-Géographie pendant une heure.
5 - Enfin, le bon TA sur ZR doit être un bon surveillant et ne pas être malade en bus : en effet, Mme M. est de toutes les sorties...

    Tout cela, Mme M. l'a fait depuis septembre 1998 (et bien d'autres choses encore, dont l'animation de clubs entre midi et deux heures...). Remarquez, les élèves l'aiment bien Mme M., ils la trouvent sympa. Mais, ils ne savent pas trop qui elle est : documentaliste?, surveillante? En tous cas, cela les épate toujours de savoir qu'elle est prof... Ils ne croient pas toujours Mme M. quand elle leur dit ! Mme M. devrait songer à avoir une photocopie de ses diplômes dans sa poche, cela lui éviterait d'avoir à justifier sa présence, dans une classe de 6ème à un enfant de 11 ans. Mais Mme M. doit s'estimer heureuse : n'est-elle pas en Dordogne ? N'est-elle pas mieux là qu'à faire la route pour un remplacement lointain ? Allons, allons! Si elle fait rapidement deux enfants, d'ici cinq ans elle est fixée... Quoique, avec le projet de réforme... Tiens, Mme M. va se mettre à l'espagnol, ça peut servir.. »
  Extrait d'une réaction d'enseignant au
témoignage de Mme M. sur Internet.

 « le récit des mésaventures de Mme M. me donne envie de vomir. Quand en plus on se retrouve en train de faire toutes les activités que tu as décrites, mais dans une académie que l'on n'a pas franchement choisie (disons TA Lille par exemple) à (par exemple) mille deux cent kilomètres de chez soi, alors que dans son académie d'origine ils manquent de profs dans la discipline, on n'a plus qu'un mot à dire: beurk!! »


2) Témoignage de M. T., Histoire-Géographie

           Monsieur T. est professeur certifié díhistoire-géographie sur zone de remplacement. Alors qu'il vient d'arriver dans le département et qu'il n'enseigne que depuis TROIS ans (et de manière intermittente), on lui demande de « faire fonction » de chef d'établissement » dans un collège. Le cas de Monsieur T. n'est pas isolé. Lui a refusé. Comment gérer un établissement de 450 élèves et assumer toutes les responsabilités que cela suppose (organisation structurelle des cours et des projets pédagogiques, direction du personnel enseignant (y compris notation) et administratif, engagement direct des emplois CES et  des emplois jeunes, application des directives rectorales, gestion des relations avec les collectivités locales, sans compter la responsabilité pénale en cas de problème ? Il paraît qu'il existe un concours de chef d'établissement avec des connaissances en matière administrative et juridique importantes à maîtriser. Le T.A. et le T.R. sont supposés les  avoir acquis pendant la petite enfance sans doute. Díailleurs, certains T.A. (par inconscience ? par peur des représailles ?) ont accepté.


3) Témoignage de Mme. E., Lettres

        Madame E. est titulaire académique  certifiée de lettres modernes sur Zone de remplacement. Elle doit remplacer pendant une semaine un professeur d'allemand parti une semaine en voyage pédagogique avec des classes de quatrième.
Elle doit enseigner non pas de l'allemand, mais des textes de littérature allemande : Admirez la nuance.


4) Témoignage de M. G., Philosophie

    « Je suis professeur certifié de philosophie. A la sortie de l'I.U.F.M., je suis envoyé en zone de remplacement en Dordogne. On me dit : tu as de la chance, le sud. Certes.
 Je suis rattaché à un établissement où je n'ai donc pas de poste mais où les effectifs des classes tournent à 38 élèves en moyenne (notamment en terminale littéraire, philosophie 8 heures par semaine, coefficient 8 au bac. La perspective d'un remplacement est mince, un professeur de philosophie par lycée). J'apprends en plus que d'autres T.A. sur Z.R. et M.A. sur Z.R. en philosophie se trouvent dans la même situation que moi en Dordogne.  L'aspect absurde de l'affaire n'échappe à personne. Malheureusement, les emplois du temps sont faits, les cours ont commencé : seul un tremblement de terre peut lézarder le château. Un arrangement est finalement trouvé. Les élèves auront bien 8 heures de philosophie à 38 et une heure en plus avec moi en demi groupe. Pédagogiquement, un non sens. J'ai jeté les rares notes prises à l'I.U.F.M. où on nous racontait « le monde merveilleux de l'éducation nationale. »

Extrait d'une réaction d'enseignant au témoignage de Mr. G. sur Internet.

« Moi aussi je suis T.A sur Z.R .. je n'ai pas eu de boulot pendant 1 mois alors qu'il manquait des profs dans ma matière. Maintenant j'ai un remplacement qui dure ... Pendant ces trente jours, j'ai fait un peu de tout au CDI... C'est un gâchis sur le plan humain et économique ... En effet,  notre salaire de base quoique diminué de certaines primes, reste le même. (Quant à notre épanouissement personnel notre employeur s'en fout, mais cela, on síen doutait.) De plus, nous prenons alors la place des CES (qui, au niveau précarité sont bien plus à plaindre que nous d'ailleurs...). »


5) Témoignage de Mme F., Lettres

    Imaginons. Car il s'agit bien là d'un effort d'imagination soutenu. Imaginons cette rentrée scolaire 1998 courbant l'échine sous les vociférations et les huées de nos jeunes lycéens injustement sacrifiés sur l'autel des restrictions budgétaires et du management administratif à la « va-que-je-te-pousse ». C'est la faute des profs, niquedouilles corporatistes englués dans leurs habitudes et leur mauvaise volonté congénitale.
Mea culpa, mea maxima culpa.

Me voici donc Titulaire Remplaçante  dans une académie pilote : Bordeaux. Je suis prête au moindre souffle de mon administration à voler au secours de nos chérubins temporairement orphelins de paroles pédagogiques.
Je me mets d'abord en quête d'un entretien avec le chef de mon établissement de rattachement, qui fixe d'emblée les règles du jeu. Je travaillerai entre mes remplacements au sein de l'établissement ainsi que l'exige une circulaire rectorale récemment parue. Pour la forme, on s'enquiert de mon avis.

Forte de plusieurs années d'expérience en tant que T.R., je signale qu'on m'enlève ainsi toute possibilité de préparer des cours notamment les oeuvres au programmes du Bac (je peux du jour au lendemain remplacer un professeur dans une classe de 6ème ou de Terminale). En outre, je fais observer que de telles missions intra muros nécessitent un cadre de fonctionnement qui bouleversera inévitablement l'organisation du travail des élèves et des collègues (ajout d'heures au élèves dont l'emploi du temps est, nous dit-on, surchargé, problèmes de concertation et de synchronisation avec les professeurs de français en charge des classes sur lesquelles je dois intervenir en plus, problème de disponibilité des salles, enfin et surtout, finalité pédagogique d'interventions par nature précaires puisque je peux être appelée à tout moment pour des remplacements à l'autre bout du département). On me répond que, de toutes les façons, j'aurai beaucoup de remplacements à assurer, que mes interventions ponctuelles ne seront certes que « des coups d'épée dans líeau », mais, par dessus tout, « on ne peut pas me payer à ne rien faire ! »
Mon premier remplacement débute dès le premier jour de la rentrée. Il s'agit d'un poste à mi-temps. Tout remplacement est annoncé par un ordre de mission à l'établissement de rattachement. C'est lui qui est supposé avertir le T.R. et donc connaître les lieux, dates et nature de la suppléance à effectuer. Mais, la théorie s'accommode mal des pratiques. Anticipant sur la diligence de mon supérieur hiérarchique, je l'informe donc moi-même du travail qu'il est censé m'avoir confié. Surprise, un dimanche matin, je reçois un appel où mon supérieur me tance vertement de ne pas l'avoir informé du caractère partiel de ma suppléance. Il me faudra compléter  le mi-temps de remplacement par des interventions dans l'établissement de rattachement. On me donnera un emploi du temps compatible avec celui de ma suppléance dès le mardi. C'est juré.

Je n'ai toujours rien le mercredi. J'erre donc en quête d'élèves qui ont été laissés dans l'ignorance totale de mon intervention. Deux matinées de « battue » d'élèves qui n'ont pas leurs matériels, sont ulcérés et totalement récalcitrants à passer une heure de plus au collège avec quelqu'un dont ils ne comprennent pas le rôle. Résultat des courses : on m'attribue un nouveau remplacement qui complète le précédent dès le lendemain. Je cesse illico de me torturer les méninges afin de trouver des activités  propres à satisfaire l'appétit intellectuel d'un public qu'on m'a conseillé de gaver à coups d'improvisations désinvoltes et de débats sur la violence. Mais les victimes restent sur place. On ne les a pas prévenues de ma disparition ? Ils trimbaleront donc hagards leur matériel jusquíà la semaine prochaine.
Echaudée, tétanisée, galvanisée par cette entrée en matière, je décide de reprendre la main en suggérant à mon administration de m'établir un emploi du temps non virtuel en vue de mes hypothétiques interventions. Ma suggestion restera lettre morte. On juge tout à coup plus fructueux de me faire exercer mes talents pédagogiques à l'abri des élèves, à savoir au C.D.I.
Mais les bonnes choses ont fin. Il se trouve qu'un remplacement se dégage à l'intérieur de mon établissement de rattachement pour une semaine (c'est-à-dire pour chaque classe quatre heures à peine). Les élèves qui me voient revenir après les avoir abandonnés ( !) se demandent ce que je suis au juste, une journaliste enquêtant sur le milieu scolaire ou une assistante sociale en formation.
J'enchaîne immédiatement ensuite sur un autre remplacement (où sont passées les 48 h de préparation ?) où je découvre que le prof est absent depuis un mois et que la suppléance a été assurée par une surveillant, tandis que je remplissais des fiches au C.D.I...

On aura compris combien le personnel enseignant est inadaptable, rétif à tout compromis, incapable d'envisager une organisation cohérente de son travail. Mais on mesure aussi la tâche surhumaine de notre administration à manager une telle armée d'incapables !


6) Témoignage de M. A., Mathématiques

      Certifié TA de maths à la Réunion, je me permets de t'écrire car même sous le soleil éternel, ce n'est pas toujours la joie. En effet titularisé en 1996 après 5 ans en Guyane, je me retrouve TA Nice (histoire de ne pas être trop au nord) : pendant 2 ans RAS, malgré un changement d'établissement en 2è année de TA (suppression de poste).
 Ayant la nostalgie de l'outre-mer, je me retrouve après le mouvement 98 TA à la Réunion. A mon arrivée, on m'apprend que le Rectorat a fait rentrer trop de profs de maths dans l'Académie et qu'on n'a pas pu me trouver un poste fixe : je suis donc nommé en rattachement dans un lycée. Puis rien pendant 15 jours.
Enfin, à la mi-septembre on me trouve un 1/2 poste suite à une décharge et ce dans un collège à 40 km de chez moi avec 5 aller-retour dans la semaine (heureusement que je longe la mer pour me changer les idées!!)
Après le mouvement lycéen d'octobre, la proviseur me propose de faire du soutien pour compléter mon service, ce que j'accepte bien volontiers, et ce d'autant plus qu'à l'usage les cours de soutien s'avèrent malheureusement nécessaires...
Sauf que, la proviseur, n'étant pas d'un courage à toute épreuve, a décrété pour ne pas se mettre à dos les élèves, de rendre ces cours facultatifs. Conséquences:
- parfois je me déplace pour rien (pas d'élèves)
- sinon cela se fait presque "en famille" (maxi à ce jour 12 élèves!)
J'ai poussé alors une gueulante auprès de l'administration et de certains collègues qui ne jouaient pas trop le jeu. Mais comme arrivaient les grandes vacances de l'été austral (on reprend le 04 février eh! eh!) tout est reporté à la rentrée
   A suivre donc...

Inutile de dire que je compatis très sincèrement au sort de notre collègue. Malheureusement, ton académie n'a pas le monopole de la mauvaise gestion des TA et même sous le soleil avec les cocotiers, on a aussi ce genre de pbs, avec peut-être un peu moins de stress [...]

 [...] Le danger vient plutôt du fait qu'entre mon ex-statut de MA et celui de TA, cela fait 8 ans que j'enseigne et j'ai fait mes 8 rentrées à chaque fois dans un établissement différent !!! Difficile d'avoir des contacts durables avec les collègues et de s'investir dans un projet pédagogique à moyen ou long terme. Vicieusement, s'introduit alors une certaine lassitude et j'ai peur que si ça continue de me "fonctionnariser" au plus mauvais sens du terme, à savoir de venir faire mes heures de cours puis rentrer chez moi et déconnecter, sans enseigner dans une perspective globale sur plusieurs années.
        Ce serait un beau gâchis sur le plan humain tant pour moi que pour les élèves car ici, avec les spécificités de notre académie, ce ne sont pas les défis à relever qui manquent !!!
Bon, je me suis assez lamenté sur mon sort.
Bonne continuation et bon courage.


7) Témoignage de Melle P., Lettres

LES AVENTURES DE MLLE P.

En l'an de grâce 1995, Mlle P. découvre avec bonheur qu'elle est reçue au Capes de Lettres Modernes.
Finies donc les incertitudes liées à sa condition de M.A. Après une année de stage sans encombre, [...] elle croit naïvement qu'une fois titularisée, elle sera mieux traitée. [...] Mlle P attend donc avec anxiété sa future nomination.

 Elle apprend rapidement (28 juin 1996) qu'elle est nommée TA Amiens. Se préparant donc à la grande transhumance, elle attend de savoir dans quel établissement elle va pouvoir exercer (nous sommes le 30 août). L'été passe... Rien ! Melle P s'inquiète ; elle harcèle le rectorat. Où ira-t-elle ? Enfin, le jour attendu (02 septembre) arrive et elle apprend avec une joie non dissimulée quíelle est nommée TA en Lycée Professionnel classé ZEP à Ribécourt dans l'Oise. Melle P prend donc contact avec le chef d'établissement qui lui apprend qu'elle occupera un poste de PLP2 Lettres-Histoire et enseignera à des BEP Vente, des BEP Maintenance et des BEP Bois. Elle fait donc sa pré-rentrée au LP et constate que quatre collègues sont dans le même cas qu'elle.

 Le soir, en rentrant dans sa triste pension de famille avec vue sur les champs de betteraves (arrivée dans l'académie le 03 septembre, elle n'a pas pu trouver de logement libre avant le 01 octobre), elle découvre que finalement elle ne sera en LP que pour neuf heures.
Il faudra donc pour compléter son emploi du temps qu'elle aille à Compiègne dans un Lycée (Si! Si! un vrai lycée, je vous assure) pour enseigner à des secondes générales sa discipline (tout arrive à qui sait attendre !) N'est-ce pas merveilleux?
Prenant donc les choses avec philosophie, elle se partage entre deux établissements, deux publics différents, deux communes « limitrophes ». Elle apprend donc la flexibilité et la polyvalence... La mondialisation de l'économie et la connaissance du monde contemporain níont plus de secret pour elle...

 L'année passe tant bien que mal et en juin 1997, Melle P découvre qu'elle redescend dans l'Académie de Bordeaux. Refaisant le chemin inverse, elle revient à Bergerac en collège. Dernière arrivée, dernière servie, son emploi du temps est surchargé. Trois niveaux, professeur principal, deux classes de troisième, 2h30 d'heures supplémentaires imposées. Peu importe, Mlle P est pleine de bonne volonté. Elle s'intègre et lorsque vient la période des mutations, elle demande logiquement une stabilisation sur poste. Evidemment, elle n'obtient pas satisfaction et mi-juillet et elle découvre qu'elle est nommée TA ZR, rattachée administrativement au collège de Vergt.

 Les vacances passent! Melle P fait sa pré-rentrée à Vergt et se prépare à être mobile. Le soir venu (02 septembre), lorsqu'elle rentre chez elle, que trouve-t-elle dans sa boîte aux lettre? Je vous le demande? .... Un arrêté de nomination pour le collège de Bergerac dans lequel elle exerçait l'an passé.
Bref, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?


8) Témoignage de M. M., Histoire-Géographie

 "J'ai passé l'agrégation d'histoire en 1992. Après une année d'IUFM à Bordeaux, j'ai été muté dans l'Académie de Reims où j'ai exercé en poste fixe pendant 5 ans.
 En 1998, j'ai décidé de revenir dans mon Académie d'origine et ai donc formulé des voeux pour l'Académie de Bordeaux. En juin, j'apprends que je suis TA dans cette Académie : normal vu mon faible capital de points.
L'affaire se corse en juillet quand j'apprends que je suis TA sur ZR en Dordogne. Rapidement déniaisé, je prends conscience de deux choses :

- on peut être remplaçant sans l'avoir demandé alors que le statut de TA donne droit à un poste à l'année et cela alors même que les procédures de voeu ne laissaient en rien envisager la possibilité d'être nommé TA sur ZR.

- quelques années de "purgatoire" dans les Académies du Nord ne préservent pas du risque de se retrouver remplaçant malgré soi. A terme, comme le montre l'exemple de l'Académie de Bordeaux (650 TA sur ZR), ce ne sont pas seulement les jeunes enseignants sortis de stage mais l'ensemble des enseignants à faible barème qui se verront refuser pendant plusieurs années l'exercice de leur métier dans des conditions décentes.

 Nouveau venu parmi les "malgré nous", j'effectue la prérentrée sans savoir ce que va être mon rôle dans mon établissement de rattachement.
Quelques jours après, au cours d'un entretien avec le chef d'établissement, j'exprime le souhait d'avoir un emploi du temps dans ma discipline. Sans doute débordé par la rentrée, le chef d'établissement remet cette éventualité aux calendes grecques et me demande de me rendre "utile au CDI" comme le faisait le professeur d'hist-géo TA sur ZR l'année précédente.
Après 5 ans d'exercice normal de mon métier, pendant lesquelles j'ai pu m'investir auprès d'élèves en leur apportant ce que je sais le mieux faire et ce pour quoi j'ai été recruté, j'ai l'impression d'être complètement dessaisi de mon métier et d'éprouver une véritable perte d'être.
 Toutefois j'avale la couleuvre et, puisque une sorte de jurisprudence semble avoir vu le jour dans cet établissement, j'effectue donc mon service au CDI et remplace à l'occasion les professeurs d'hist-géo de l'établissement qui sont absents.

 Au cours du mois de janvier, l'adjoint du chef d'établissement me demande de remplacer des professeurs absents d'autres disciplines pour faire aux élèves des cours d'éducation civique. Je refuse car je ne suis pas disposé à jouer le pompier de service prêt à remplacer au pied levé tous les collègues de l'établissement.

Je refuse car j'estime que chaque enseignant a le droit d'obtenir dans son établissement de rattachement un emploi du temps fixe qui lui permette de préparer convenablement ses cours, sauf à s'inscrire de manière urgente à la Ligue Française d'improvisation. Devant mes refus réitérés, le chef d'établissement me menace d'adresser un rapport à l'Inspection d'Académie et de demander des retenues sur salaire. Nous en sommes là du feuilleton mais gageons qu'il y aura des suites.

 Quoi qu'il en soit, je songe actuellement à me reconvertir et à quitter l'enseignement mais je ne le ferai qu'en désespoir de cause et après m'être battu pour empêcher ces dérives innommables de se perpétuer.

 "MALGRE NOUS" de toutes les Académies, unissez vous ! Seule l'union peut nous permettre de résister aux pressions isolées des chefs d'établissement et d'obtenir des postes et un statut convenable pour tous".


9) Témoignage de M. R., Génie Mécanique

Titulaire certifié en Génie Mécanique Productique depuis juin 1995 : je passe 2 années en tant que TA dans l'académie de Versailles (2 années = 2 lycées, départements 78 et 92).

Pour la rentrée 98, j'obtiens ma mutation pour descendre dans ma région natale : MONTPELLIER, en tant que TA ZR (qu'est-ce que c'est?)
Je recevais 2 arrêtes précisant :
- Résidence administrative : lycée Joliot-Curie de Sète
- Lieu d'exercice : Zone de remplacement Montpellier

Après quelques enquêtes j'apprends que, dans l'académie, les TA sont traités différemment : les heures sup. à l'année "s'il y en a" sont payées en HSE, des proviseurs sur Montpellier refusent de monter les notes administratives de ceux que l'on appelle TA (on ne sait pas ce que c'est, ce sont peut-être des Profs du voyage...)

Après quelques travaux au lycée Joliot-Curie de Sète (travail en doublette avec les collègues), le rectorat me demande d'effectuer un remplacement à partir du 28 septembre 98 au lycée Professionnel Jean Mermoz de Montpellier :
- officiellement jusqu'au 4 janvier 99
- officieusement jusqu'à la fin de líannée scolaire et pour 23 heures/semaine
C'est un CLM (congé longue maladie) Le Professeur ne peut plus enseigner.

Je m'installe alors : je prends mes repères, consulte le professeur absent, j'effectue les plannings, achète ma réserve de repas pour tenir 2 mois, verse ma cotisation à l'amicale du lycée, prends un appartement à Palavas les Flots à 10 minutes du lycée Jean Mermoz et à 25 minutes du lycée de Sète.

Au quinzième jour de remplacement : le 9 octobre, je reçois un fax au lycée Jean Mermoz de Montpellier : le rectorat me demandait de me rendre le 12 octobre au lycée Jean Moulin de BEZIERS (hors zone de remplacement MONTPELLIER).

Le lundi 12, je téléphone au rectorat : il n'y a pas d'autre solution, on compte sur moi. Un vacataire prendra ma place au lycée Jean Mermoz dans un mois, il a une jambe dans le plâtre pour l'instant...

Le soir du 12, je prends l'autoroute A9 et me rend à BEZIERS (75Km).
J'apprends alors que cela fait depuis un mois que l'on m'attendait !
J'aurais 11 heures au LP Jean MOULIN et 7 heures au lycée Jean MOULIN.
Un autre collègue TAZR-Montpellier, D.T., de la même discipline (GM Productique), arrive aussi dans les mêmes conditions pour 18 heures au lycée.
On apprend alors, par les collègues sur place qu'il y a quelques semaines 2 TAZR-BEZIERS GM Productique ont été envoyés au lycée technique de Perpignan (hors zone Béziers)...

... le temps passe...

En novembre, nous recevons (mon Collègue D.T. et moi) un arrêté nous affectant rétroactivement au lycée Jean MOULIN de BEZIERS au 01/09/98.
Conséquences : plus d'indemnités de déplacements (ISS)

Mon Collègue D.T. vient du Gard ; il fait quasiment 200 Km aller/retour et aucune indemnité...

Pour le Rectorat : on ne peut pas faire autrement vous êtes affecté à 100% au Lycée de Béziers depuis le 01/09/98 au regard du dernier arrêté, et de toute façon vous n'êtes pas les seules dans ce cas.

Nous sommes en mai 1999 : Toujours pas de nouvelles...

Pour le rectorat : je suis à BEZIERS
Pour le lycée de BEZIERS : je suis à BEZIERS
Pour le lycée de SETE : je suis à SETE, ils n'ont pas reçu de nouvel arrêté indiquant ma situation, je reçois donc diverses convocations pour SETE malgré mes indications (surveillance de bac-blanc...)
Mon dossier administratif : à SETE.

Epilogue :

Le soir du mardi 8 juin , le S3 Montpellier m'appelle au téléphone pour m'indiquer que cette fois ci mon dossier est passé :

J'aurai mes frais de déplacement Sète - Beziers pris en compte.

Une majorité de collègues de l'académie n'obtiendront pas gain de cause.

Le Snes Montpellier aurait négocié pour la dernière fois le mardi 8 juin.

Les 3 autres collègues de ma discipline qui ont connu les mêmes difficultés n'ont pas "fait ou renouvelé" ( renouvelé = le rectorat aurait perdu les premières demandes comme la mienne) leur demande dans les temps.


10) Témoignage de Mme T., Philosophie

Cher collègue,

Ci-joint un témoignage pour la "liste noire", et merci de cette initiative :

Sortie de l'IUFM, me voilà nommée prof de philo sur l'Académie de Toulouse... mais avec le "statut" de TA sur la ZR Haute Garonne Nord. Pour prévenir le risque de faire autre chose que ma matière, je propose un "atelier philo" dans mon lycée de rattachement administratif, ne pouvant construire aucun projet à long terme, attendant à tout moment une "mission" du rectorat. De novembre à février, j'ai enfin exercé mon métier pour de vrai à 80 km de mon domicile, les trajets sont fatigants mais rien à redire, je travaille dans ma zone.

Le 15 mars, la DPE me téléphone en me demandant d'assurer un remplacement à 150km, car il s'agit de "remplacer un remplaçant", il est impossible d'embaucher un MA, l'arrêt maladie du collègue risque de se prolonger jusqu'à la fin de l'année, je suis leur dernier espoir, toute autre possibilité a été envisagée et a échoué... Attendrie à l'idée de ces têtes blondes en mal de prof, je réfléchis quand même quelques secondes au téléphone avant d'accepter. Quelques secondes de trop durant lesquelles mon interlocutrice me glisse un argument de poids : "si vous refusez, nous devrons vous y contraindre". Je n'ai pas eu la présence d'esprit de demander des renseignement sur les moyens de pressions dont le rectorat use en pareille circonstance, et j'ai accepté, cependant choquée par ces intimidations.

Me voici donc logée à l'internat du lycée, parcourant 600 km par semaine (deux aller-retours), travaillant dans deux établissements, prenant en charge 5 classes.

Le rectorat reconnaissant a cependant calculé qu'il faudrait me verser d'importantes ISS (indemnités), celles-ci étant proportionnelles au nombre de kilomètres entre la résidence administrative et l'établissement du remplacement. Pour que ces indemnités ne soient pas trop importantes, le rectorat a donc décidé de changer en cours d'année cette nomination, pour me nommer sur une résidence administrative où je n'ai jamais mis les pieds, mais moins distante de mon lieu d'exercice.

Etonnée de cette pratique, j'ai refusé de signer ce nouvel arrêté, demandé le rétablissement de mon ancienne affectation et des explications. Je me suis d'abord déplacée pour m'entendre dire que tel était l'usage propre à l'Académie, tout remplaçant appelé hors de sa zone change de zone administrative, c'est la tradition, aucun texte écrit ne peux m'être présenté stipulant l'obligation d'agir d'après cette coutume (sic).

J'ai fini par recevoir confirmation du rectorat qu'il ne s'agissait pas d'une erreur, sans plus d'explications.

J'ai par contre reçu ma convocation pour la correction de l'écrit du bac...à mon ancienne adresse administrative, à 20 km de l'endroit ou je dois retirer les copies, les frais de déplacements seront donc calculés sur cette base...

En conclusion, deux règles dans notre Académie :

La tradition orale prime sur le droit écrit.

L'adresse administrative du remplaçant doit être modifiée à chacune de ses missions afin d'être le plus près possible du lieu où on l'envoie.

Amis flexibles, bonne route, et bon courage pour trouver le temps de préparer les cours et corriger les copies entre les trajets.


11) Témoignage d'un T.R. Histoire-Géographie

Cher collègue,

Voici ma petite contribution au musée des horreurs...

Ayant effectué mon premier poste, l'année dernière, dans l'Académie de Reims, en qualité de TA sur ZR, voici mes mésaventures:

Considéré comme un surveillant par les élèves, M.A. par les collègues, voici à quoi se résumait ma profession l'an dernier:

- Tout d'abord, études avec 17 classes différentes -en ZEP, bien sûr- sur 18 heures hebdomadaires;

- Ensuite, couverture des livres au CDI;

- J'ai également été prêté par l'établissement de rattachement à un autre établissement pour y enseigner du français (je suis prof d'Histoire-Géo), sans ordre de mission... [N.B. il ne s'agissait pas d'un remplacement, mais d'études dirigées en français]

Comme j' ai refusé, j'ai reçu des menaces de la part du principal du collège ("abondon de poste !!!"), alors j'ai fait appel au Snes, qui a alerté le rectorat. Le bilan fut positif, selon le Snes et le rectorat: obligation de me rendre dans le second établissement, avec la garantie que je devais recevoir un ordre de mission (jamais arrivé...) et que je n'aurai pas à enseigner du français...en fait, j'ai fait le surveillant.

- J'ai remplacé une collègue : elle avait donné un devoir à effectuer à une de ses classes, et elle voulait que je corrige les copies;

- Certains collègues, et l'administration voulaient me confier les élèves les plus difficiles;

etc...etc...etc...

Actuellement, je suis TR dans une autre académie : j'ai vu une collègue TR faire du travail administratif, un collègue MA tenir un CDI puis être surveillant, un collègue TR être CPE. J'ai lutté pour ne pas avoir à jouer au secrétaire, pour ne pas remplacer des profs de math (et en plus, j'ai toujours été nul en math). Je remercie certains collègues pour leurs douces remarques: "Comment peut-on payer quelqu'un qui reste à longueur de journée dans la salle des profs" ou encore: " Ca ne te gêne pas de travailler 6 heures par semaine ? " et encore ceci: "Vous, les TR, vous touchez de grosses primes!".

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