rapport de la commission présidée par Jacques Attali
I - UN SYSTÈME EN PÉRIL
A) La situation actuelle : lexcellence fragile
1. Un système confus, héritage de longues luttes de pouvoir
a) Un reflet des rapports de force dans la société.
En France, depuis dix siècles, le pouvoir politique sest méfié si continûment des universités quil a toujours eu à cur dinventer des systèmes parallèles pour recruter les grands commis de lEtat. Aussi, un système très particulier denseignement supérieur, unique en Europe, sest-il mis en place. Cest, par exemple, pour faire pièce à luniversité, inféodée à lEglise, engourdie dans la scolastique et assoupie sur ses privilèges, que la monarchie inventa en 1530 le Collège de France et introduisit lesprit de la Renaissance. Cest encore par méfiance à légard de lobscurantisme universitaire que lAncien Régime puis la Révolution inventèrent les "Ecoles Spéciales", devenues par la suite "Grandes Ecoles", afin dy recruter les principaux cadres militaires et techniques de lEtat : lEcole des Ponts en 1747, lEcole des Mines en 1783, lEcole Polytechnique et lEcole Normale Supérieure en 1794.
Cest en réaction contre la Révolution que lEmpire et la Restauration se méfièrent des grandes écoles, nées pour lessentiel dune initiative républicaine, et firent de luniversité le lieu de formation des élites du nouveau pouvoir. Reprenant le flambeau de 1789, la seconde République sappuya sur les grandes écoles pour créer ses propres élites ; elle conçut même le projet dune Ecole Nationale dAdministration, quabandonna le second Empire. La troisième République aurait pu basculer de nouveau vers les grandes écoles, héritières de lidéal républicain. Elle ne le fit pas immédiatement. Prolongeant la société du Second Empire, elle confirma dabord la prééminence de luniversité, au profit de laquelle, par exemple, lEcole Normale Supérieure se vit priver de lessentiel de ses fonctions pédagogiques.
Au début du vingtième siècle, le balancier revint du côté des écoles : lEtat, devenu bâtisseur et industriel, y chercha ses cadres techniques, au grand dam de luniversité, qui ne sut pas se donner les moyens de former ces élites nouvelles. Depuis 1945, le clivage sest encore aggravé. LEtat recrute désormais tous ses hauts fonctionnaires par quelques grandes écoles, et non sur leurs titres universitaires, pourtant délivrés au nom de lEtat.
Cette succession de choix contradictoires, dictés par des considérations plus politiques que pédagogiques, a installé un système dont la cohérence est aujourdhui pour le moins incertaine.
Décrire ce système supposerait dabord de pouvoir le nommer. Or sil existe une définition légale des universités - dans la loi de 1968 () et dans celle de 1984 () - il nen existe pas, en revanche, pour les grandes écoles. Au point quon distingue au hasard des vocabulaires, des "très grandes écoles", des "grandes écoles" et des "écoles". Les commentaires qui les concernent visent parfois seulement les trois écoles qui forment les plus hauts fonctionnaires de la République (Ecole Polytechnique, Ecole Nationale dAdministration, Ecole Normale Supérieure), parfois les 170 écoles publiques et 68 écoles privées habilitées à délivrer le titre dingénieur, et parfois les 160 écoles membres de la conférence des grandes écoles. A cela sajoute lhétérogénéité de leur structure administrative : certaines relèvent du Ministère de lEducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie, dautres pas, et parmi celles qui en dépendent, certaines sont intégrées à des universités et dautres ne le sont pas.
Quant aux universités, on ne désigne parfois ainsi que la réunion des anciennes facultés, en excluant les nouvelles formes quelles ont prises, en particulier dans lenseignement supérieur technologique.
Il ne faut donc pas sétonner de la difficulté du diagnostic, du caractère discutable et contesté de bien des statistiques. Nul ne saurait dire, par exemple, avec précision, quelle part du budget de lEtat est consacrée respectivement aux grandes écoles et aux universités, de quels milieux sociaux viennent précisément les étudiants des unes et des autres, quelle est la valeur relative des divers enseignements, départements ou cursus, quels sont leurs débouchés respectifs, où vont leurs élèves et encore moins quelle est leur valeur internationale.
Etablissons les principaux faits autant quil est possible
(annexes 6 et 7). La population française en âge dêtre scolarisée (de 2 ans à
22 ans) sest stabilisée autour de 16 millions depuis 1970, après avoir beaucoup
augmenté au cours du siècle. Le taux de scolarisation, lui a continué d augmenter
énormément, en particulier dans le supérieur, jusquà aujourdhui : au
total, il est passé de 73 % en 1970 à 91 % en 1997. La proportion des
bacheliers dans une classe dâge a plus que doublé depuis 1985, passant de
29,4 % à 61,5 %, la moitié de laccroissement étant liée aux classes de
terminales, générales ou technologiques. Cela représente une progression
phénoménale : en 1997, 481.000 étudiants ont quitté lenseignement
secondaire munis de leur viatique pour luniversité contre
5.600 au début du siècle. 2,1 millions détudiants sont inscrits dans
lenseignement supérieur français en 1997, contre 1,2 millions en 1980, 310.000 en
1960 et 30.000 en 1900 : le nombre détudiants du supérieur a été multiplié
par 70 au cours du siècle.
Ils sont aujourdhui répartis entre les grandes écoles, les universités proprement dites et les autres formes denseignement supérieur (annexes 7 et 11).
Dun côté, une constellation décoles - 238 écoles
dingénieurs, 230 écoles de commerce - sélectionnent environ 124.000 étudiants,
en partie seulement à partir denviron 80.000 élèves de classes préparatoires,
soit au total 9,5 % des étudiants de lenseignement supérieur. De
lautre, le système universitaire proprement dit (hors IUT et écoles universitaires
dingénieurs) accueille et forme aujourdhui 62 % des étudiants soit
1, 3 millions contre 790.000 en 1980 ; un système denseignement supérieur
technique et technologique (des STS aux formations universitaires technologiques) en
accueille plus de 340.000 soit 16 % du total, le reste comprenant
notamment les étudiants des formations paramédicales et sociales. Alors que, depuis
1900, le nombre délèves de luniversité a été multiplié par plus de 40,
celui des écoles dingénieurs ne la été que par quinze : la sélection de
ces écoles est donc allèe en se renforçant.
Aujourdhui encore, universités, grandes écoles et enseignement technologique supérieur ne constituent pas les pièces complémentaires dun ensemble cohérent, qui sentraideraient pour la réussite de tous, mais bien des sous-ensembles cloisonnés qui ne se ménagent guère les uns les autres, provoquant une déperdition de moyens et de talents, dont le pays est la principale victime
b) Des distinctions floues.
Sept critères devraient, en principe, permettre de différencier une université dune école : trois liés à la nature de lenseignement (la sélection des étudiants ; la différenciation des diplômes ; la professionnalisation des enseignements) et quatre liés à lorganisation des études (le coût des études ; le mode dadministration des établissements ; le cadre de vie des étudiants ; la recherche effectuée par les enseignants). Sur les trois premiers critères, la distinction entre universités et écoles sestompe, alors quelle demeure nette sur les quatre suivants : les écoles se distinguent aujourdhui des universités plus par lorganisation de leurs études que par la nature des diplômes quelles délivrent.
*Sélection des étudiants : en principe, tous les diplômés de lenseignement secondaire ont droit à entrer dans une université, mais pas dans les écoles qui pratiquent une sélection explicite et parfois très sévère. En réalité, pour maîtriser le nombre et le niveau de leurs étudiants, bon nombre duniversités ont installé des formes plus ou moins implicites de sélection, soit illégales (en espérant que les étudiants refusés ne découvrent pas quun recours contentieux leur donnerait raison), soit légales (comme dans la médecine par le numerus clausus ou dans les filières dingénierie en créant des écoles dans les universités, aux termes de larticle 33 de la loi sur lenseignement supérieur de 1984). A linverse, certaines écoles, dans le domaine commercial en particulier, faute davoir su préserver leurs débouchés, ne peuvent plus faire de véritable sélection de leurs élèves et doivent accueillir presque tous les candidats pour maintenir leur existence.
*Différenciation des établissements : en principe, tous les diplômes universitaires, à la différence de ceux des grandes écoles, sont de valeur nationale identique, quelle que soit luniversité où ils sont délivrés ; et, à lexception des doctorats, ils ne portent pas la marque de linstitution qui les décerne. En réalité, les universités sont, comme les grandes écoles, dans une relation avouée de concurrence, sanctionnée par une hiérarchie très nette des réputations et des diplômes, dont tiennent compte les entreprises dans leur processus de recrutement.
*Professionnalisation des enseignements : en principe - sauf dans certaines disciplines précises, telles la médecine ou les métiers juridiques -, le but de lenseignement universitaire nest pas lapprentissage dun métier, mais lacquisition dun corpus de connaissances et doutils dinvestigation permettant à létudiant, le moment venu, de se muer à son tour en chercheur, en professeur. A linverse, lenseignement des grandes écoles se veut, depuis leur origine, directement professionnel ; il vise à former des ingénieurs et des cadres des secteurs public et privé. Mais depuis quelques années - en particulier depuis la loi sur lenseignement supérieur de 1984 - cette distinction est de moins en moins nette : luniversité prépare de plus en plus à des diplômes professionnels et techniques. Ainsi, en 1997, non seulement la totalité des avocats, des médecins, des pharmaciens, des dentistes, des généticiens mais aussi le tiers des ingénieurs ont été formés dans les universités (annexe 12) ; de plus, 45 % des diplômes de troisième cycle délivrés par les universités ont été des diplômes à la finalité professionnelle clairement affirmée, tels les DESS.
Par contre, sur les quatre critères suivants, qui portent sur lorganisation des études, la différence entre universités et grandes écoles reste encore très nette :
*Gouvernement des établissements : alors que, dans luniversité, le pouvoir est partagé entre le Président, les enseignants, les étudiants et le ministère, il est généralement, dans les grandes écoles, entre les mains dune équipe de direction resserrée, dotée de pouvoirs étendus, répondant de façon souvent distante à une éventuelle tutelle.
*Cadre de vie des étudiants : alors que les conditions de travail et de vie quoffrent aux élèves les grandes écoles sont en général excellentes, elles sont loin de lêtre dans toutes les universités, quil sagisse de bibliothèques, de restaurants, de logements, de terrains de sport.
*Recherche des enseignants : alors que la recherche est lune des dimensions essentielles du travail des universitaires, elle nentretient souvent dans les grandes écoles, même dotées dexcellents laboratoires, que des liens ténus ou indirects avec lenseignement.
*Coût des études : alors que, dans les universités, lenseignement est pratiquement gratuit, il est payant, dans certaines grandes écoles, en particulier les écoles de commerce et, à linverse, dans dautres écoles, les élèves sont payés pour étudier.
2. Des passerelles nombreuses encore trop informelles
Depuis quelques années, les cursus des universités et des écoles se rapprochent, les frontières souvrent. Les étudiants ayant échoué aux concours des grandes écoles peuvent, depuis toujours, reprendre leurs études dans luniversité ; ils bénéficient aujourdhui, dans certains cas, de quelques équivalences leur permettant de valider leurs acquis. Réciproquement, de très bons étudiants de luniversité, titulaires de la licence ou de la maîtrise, peuvent maintenant poser leur candidature pour entrer directement sur dossier en deuxième année dans certaines grandes écoles. Dans les troisièmes cycles universitaires, on trouve de nombreux étudiants diplômés des grandes écoles venus faire un DEA et parfois un doctorat. Réciproquement, certaines écoles ont obtenu le droit de délivrer des DESS et des doctorats pour leurs anciens élèves et pour des diplômés de luniversité. Par ailleurs, en application de larticle 33 de la loi de 1984, des "quasi grandes écoles" ont été créées à lintérieur des universités ; elles sont très vite devenues jalouses de leur autonomie à légard même de luniversité qui les a créées, ce qui conduit à une forme de balkanisation du système. Enfin, la moitié des étudiants dIUT viennent poursuivre des études universitaires après lobtention du DUT, pour lessentiel dans luniversité.
Mais cette interpénétration nest encore ni simple ni transparente : il ny a pas déquivalences automatiques entre les diplômes des écoles et ceux des universités ; les inscriptions en deuxième ou en troisième cycle universitaire des diplômés des écoles se font, en général, au cas par cas, en fonction de critères dappréciation dont les justifications ne sont pas toujours très explicites. Ladmission des étudiants duniversité dans les cycles doctoraux des écoles se fait, elle aussi, sur des critères souvent mystérieux, qui frisent trop souvent larbitraire.
3. Une qualité maintenue mais fragile
a) Un système universitaire de haute qualité, malgré le choc démographique
Presque partout dans le monde, la croissance de la demande de savoir a entraîné, dans les quinze dernières années, une baisse des moyens dont dispose lenseignement supérieur pour chaque étudiant.
En France au contraire, les universités ont su faire face au quasi doublement du nombre détudiants en quinze ans tout en continuant daugmenter les moyens mobilisés pour chaque étudiant (même si, comme le soulignait déjà le rapport de la commission présidée par Roger Fauroux, leffort de la nation a davantage porté sur lenseignement primaire et secondaire que sur lenseignement supérieur) (annexe 9).
Cette croissance budgétaire constitue un premier indice du maintien de
la qualité de lenseignement supérieur, même si celle-ci ne se résume pas aux
moyens financiers réunis pour le dispenser. Elle a également permis de transformer la
structure démographique du corps enseignant, faisant une place à de jeunes enseignants
qui surent bouleverser leur champ disciplinaire. Le nombre denseignants est ainsi
passé de 3500 (dont
1028 professeurs) en 1950 à 69.000 (dont 17.500 avec le rang de professeur)
aujourdhui (données du Ministère de lEducaton nationale).
Par ailleurs, grâce en particulier au plan Université 2000, luniversité française a su se doter dans plusieurs villes de nouveaux locaux de qualité et ouvrir des débouchés professionnels intéressants à ses diplômés, en particulier dans le domaine technologique. Luniversité a su innover en commençant à mettre en place la semestrialisation, la capitalisation dacquis, la professionnalisation des cursus, lactualisation des savoirs et des formations, faisant une large place à lapprentissage ou à dautres formules dalternance. De nouveaux cursus plus ou moins professionnels ont été créés, tels les DESS, les MSG, les maîtrises de sciences et techniques, les magistères. De nouveaux établissements ont été imaginés, tels les écoles dingénieurs, les universités technologiques, les Instituts universitaires technologiques (IUT), les Instituts universitaires professionnalisés (IUP), les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Tout cela a profondément bouleversé le paysage de luniversité française facilitant sensiblement linsertion professionnelle de très nombreux étudiants.
Par ailleurs, conformément à sa mission, luniversité a aussi su conserver, dans de très nombreuses disciplines, un niveau de recherche très élevé, parmi les premiers au monde, qui vient renforcer la qualité de son enseignement et le prestige international de certains de ses diplômes.
Tous ces résultats doivent être mis au crédit de la communauté
enseignante, qui a su se moderniser mieux quaucune autre des pays voisins.
Dailleurs, avec près de 36. 000 Européens accueillis en 1996-1997 comme étudiants
dans nos universités, (dont 27.000 ressortissants de lUnion européenne) contre
environ 21.000 en 1982, la France
reste mieux lotie que tous ses principaux partenaires européens, sauf la Grande Bretagne
(annexe 8).
b) Des grandes écoles dexcellence, malgré la disparition de la plupart de leurs missions dorigine
*Un système denseignement supérieur vaut très largement par la qualité des étudiants quil reçoit. Aussi, le premier atout des grandes écoles dingénieurs et de commerce se situe-t-il dans les classes qui préparent à leurs concours dentrée : elles forment une proportion très significative de ceux quon retrouvera plus tard comme les meilleurs étudiants dans certaines disciplines, parce quelles recrutent parmi les meilleurs élèves des meilleurs lycées, formés par des maîtres de haut niveau scientifique et pédagogique, dans des classes peu nombreuses. Pour un coût très sensiblement plus élevé pour la nation que le premier cycle universitaire (75.500 francs par élève de classe préparatoire, contre 35.500 francs par étudiant de luniversité, voir annexe 10), elles enseignent à leurs élèves des méthodes de travail rigoureuses permettant lapprentissage de connaissances théoriques de haut niveau.
Deux innovations récentes ont permis de diversifier lorigine des élèves de ces classes : dune part, des "travaux dinitiative personnelle encadrés" (TIPE) favorisent le travail expérimental, ce que linsuffisance quantitative de lencadrement ne permet guère de réaliser à luniversité avant le DEA. Ceci a permis de sélectionner pour les grandes écoles de nouveaux profils détudiants.
Les classes préparatoires Physique et Technologie (PT) et Technologie et Sciences Indutrielles (TSI) une certaine diversification, encore beaucoup trop timide, des origines sociales des candidats aux grandes écoles dingénieurs. Ces classes sont en effet accessibles aux titulaires du baccalauréat technologique. La structure sociale de leurs étudiants est moins inégalitaire que celle des autres : 36 % des élèves de ces classes sont issus des classes moyennes qui représentent 42 % de la population et seulement 26 % des enfants de cadres et professions libérales qui représentent 18 % de la population (alors que, dans les classes préparatoires scientifiques classiques, 57 % des élèves proviennent de ces mêmes milieux favorisés) (données du Ministère de lEducation nationale).
* Le deuxième atout des grandes écoles est de donner aux élèves un cadre denseignement privilégié, en leur offrant des conditions de confort pédagogique et matériel (salles de classe, bibliothèques, laboratoires, accès aux technologies modernes) très supérieures à celles de la plupart des universités. Le taux dencadrement y reste proche de celui des classes préparatoires ; les conditions de logement - et parfois même de rémunération - en font des lieux de travail privilégiés.
* Le troisième atout des grandes écoles est de dispenser une formation tout entière orientée vers les débouchés professionnels, en liaison étroite avec les associations danciens élèves, ce qui assure à leurs diplômés un accès beaucoup plus aisé au premier emploi quà ceux des universités : selon le CEREQ et lINSEE, deux ans après la fin de leurs études, 20 % des diplômés décoles sont encore en recherche demploi, contre 28 % des diplômés de troisième cycle de luniversité et 38 % des diplômés de licence et de maîtrise ; au bout de trois ans, 5 % des ingénieurs de grande école sont à la recherche dun emploi contre 10 % pour les diplômés de troisième cycle universitaire et 12 % pour les diplômés du second.
4. Un Gulliver empêtré
81 % des bacheliers de 1996 se sont inscrits dans une filière de lenseignement supérieur (annexe 15). Sur ces 81 %, 47 % se sont inscrits à luniversité, 8 % en CPGE et 22 % dans une formation de technicien supérieur. Et là encore, les bacheliers de lenseignement général sont plus libres de choisir leur filière. La grande majorité des bacheliers généraux entament des études longues et nentrent dans les STS ou les IUT que lorsquils sont en retard. A l'inverse, plus de six bacheliers technologiques sur dix intègrent une filière courte, les plus âgés se retrouvant par défaut à luniversité. Les bacheliers qui interrompent leurs études sont logiquement, pour lessentiel, des bacheliers professionnels. Les élèves des milieux défavorisés choisissent de façon massive les voies courtes et professionnelles (BTS, IUT) pour sassurer des débouchés rapides, quitte à perdre toute chance de pourvoir revenir ensuite dans un parcours plus long et plus valorisant.
a) Une université peu préparée à la modernisation
*Lorientation est inexistante. Capable de recevoir des masses croissantes détudiants, luniversité na jamais eu les moyens dorienter ces étudiants, arrivant sans avoir été informés pendant leurs études secondaires des études supérieures les mieux adaptées à leurs capacités. Les conseillers dorientation dans les lycées sont beaucoup trop peu nombreux, et les moyens dont ils disposent très insuffisants. Il nest pas encore possible de trouver sur Internet un site faisant une présentation complète des choix quun étudiant peut avoir à faire, des questions quil se pose sur les débouchés, sur la compatibilité des divers cursus, les possibilités de passage dun système à lautre. En conséquence les étudiants les mieux orientés sont ceux qui peuvent bénéficier dinformations particulières fournies par leur environnement familial : le niveau culturel des parents est une des variables clés de la réussite des études supérieures.
* Léchec en premier cycle général, (diplôme denseignement universitaire général ou DEUG) est considérable, sans quon puisse en faire porter lessentiel de la responsabilité au système denseignement supérieur proprement dit (annexe 16). La durée moyenne détudes y est de 2,7 ans ; seuls 28,4 % des étudiants obtiennent leur diplôme en deux ans. Quelque 40 % des étudiants nobtiennent pas leur DEUG, même après trois, voire quatre ans détudes. 34 % des étudiants abandonnent ces études au bout dun an dont 26 % sortent alors de luniversité sans aucun diplôme. Pour ces jeunes, le passage par lenseignement supérieur ne conduit quà retarder lentrée dans la vie active et débouche sur la précarité.
De plus, léchec universitaire touche surtout les étudiants venus des milieux les moins favorisés : 50 % des bacheliers technologiques, pour lessentiel venus des milieux défavorisés, nobtiennent aucun diplôme denseignement supérieur ; 15 % seulement dentre eux obtiennent une licence après quatre ans détudes, contre 50 % des bacheliers issus de lenseignement général. Et cette inégalité saggrave ensuite : au troisième cycle on trouve 47 % détudiants venus des professions libérales et classes supérieures contre 7 % douvriers. Alors que les proportions sont de 30 % environ denfants de cadres et 15 % denfants douvriers en premier cycle. La gravité de linégalité se mesure au fait que les enfants douvriers représentent, en 1993, 37 % de leurs classes dâge (annexe 14).
*Le DEUG ne correspond à aucune finalité professionnelle, à la différence du DUT ou du BTS, autres diplômes en deux ans aux débouchés reconnus.
*La qualité de lenseignement dispensé nest pas toujours irréprochable. On peut le voir à deux signes, lun portant sur lactivité des enseignants, lautre sur le coût global par élève.
Dune part, les enseignants de lenseignement supérieur ne sont pas incités à consacrer à lenseignement lessentiel de leur temps, en particulier dans les premières années de leurs carrières. En effet, les procédures dévaluation de leur travail, au lieu de prendre en compte les trois missions qui leur sont assignées par larticle 55 de la loi de 1984 sur lenseignement supérieur (cest-à-dire lenseignement, y compris le tutorat, la recherche et sa diffusion, et ladministration des établissements), privilégient trop souvent lévaluation des travaux de recherche et des publications, plus facilement repérables que les qualités pédagogiques ou administratives. Ceux qui consacrent lessentiel de leur temps à leur service denseignement sont donc souvent privés, de facto, de possibilités davancement équitables, même si la création de contingents locaux davancement a introduit un certain assouplissement dans les critères dévaluation des carrières.
Dautre part, la dépense par étudiant est beaucoup plus faible dans luniversité que dans les écoles (annexe 10). Elle varie de 35.500 francs par étudiant de luniversité à près de 90.000 francs pour un élève ingénieur duniversité, 53.500 francs dans un IUT, 75.000 francs dans une classe préparatoire et beaucoup plus dans les écoles qui rémunèrent leurs élèves. Même si la qualité dun enseignement ne se réduit pas aux moyens dont il dispose, la différence est là si nette quelle ne peut être sans conséquence qualitative sur lenseignement dispensé.
*Linsertion professionnelle des diplômés des universités est lente et incertaine. Même si cette situation a été récemment améliorée dans plusieurs domaines, luniversité nassure quinégalement les débouchés de ses diplômés. Dune part, la fonction publique ne peut plus, aujourdhui, leur procurer des débouchés suffisants. Dautre part, les responsables des ressources humaines des entreprises connaissent souvent mal les diplômes des deuxièmes cycles universitaires, méconnus par la plupart des conventions collectives. Par ailleurs, beaucoup trop duniversités, pour des raisons légales et culturelles, restent encore très éloignées des nouveaux besoins des entreprises de haute technologie, particulièrement créatrices demplois. On y enseigne presque nulle part les brevets, on y côtoie très rarement des entreprises de croissance, on y fréquente presque jamais des entrepreneurs.
* La recherche universitaire nest pas non plus (ni dans tous les secteurs ni dans toutes les universités ou centres de recherche) à la hauteur de ce dont le pays a besoin. Faute de cohérence dans les programmes, de renouveau des personnels, de moyens financiers et matériels suffisants et de liens assez étroits avec les innovations technologiques et industrielles des entreprises, la recherche universitaire souffre de lacunes.
* La formation en permanence, nécessité de plus en plus évidente, nest assurée quà 3 % par les universités, alors que celles-ci disposent déminents pédagogues et de locaux parfois considérables, partiellement ou totalement inutilisés pendant de vastes plages de temps.
*Les personnels techniques, essentiels au bon fonctionnement des universités, y manquent souvent cruellement : Alors même que, entre 1980 et 1996 le nombre des étudiants inscrits à luniversité (hors écoles universitaires dingénieurs) augmentait de 71 % et celui des enseignants de 62 %, celui des personnels administratifs et techniques naugmentait que de 16 % (données du Ministère de lEducation nationale) : les tâches de secrétariat sont désormais assurées par les enseignants eux-mêmes, dautres tâches ne sont pas assurées du tout (comme laccueil et lorientation des étudiants) et dautres, plus nouvelles, le sont à grand peine (dans les laboratoires, les services informatiques ou audiovisuels, etc.). Cela sexplique largement par linadéquation des procédures de recrutement qui échappent aux universités et leur interdisent de recruter les personnels spécialisés dont elles auraient le plus besoin, même si elles peuvent en dégager les moyens.
*Le gouvernement des universités est trop souvent inefficace. Le président de luniversité - élu par les trois conseils en charge de la vie universitaire, dont la loi de 1984 avait défini la composition et le rôle - dispose en principe du pouvoir exécutif et de lautorité sur lensemble du personnel administratif. Mais en pratique, son rôle effectif est très limité. Les unités de formation et de recherche, héritières des anciennes facultés, jalouses dune indépendance que la loi ne leur reconnaît plus, et les nouvelles écoles internes aux universités, issues de larticle 33 de la même loi, refusent trop souvent de participer à la mise en uvre dune politique globale de luniversité qui les a créées. Tout cela concourt à une balkanisation du paysage universitaire, qui naide en rien à sa lisibilité.
*Enfin, lévaluation des universités, par lactuel comité national dévaluation, même si elle constitue un grand progrès par rapport à la situation précédente, nest ni assez rapide, ni assez transparente. Elle nest en général suivie daucune décision budgétaire ni daucune réforme. Elle ne réussit pour linstant quà aider les universités à préparer leur propre contrôle interne.
*Conséquence et mesure de cette inquiétante évolution, la réputation internationale de notre système denseignement supérieur saffaiblit et le nombre détrangers non-européens venant étudier dans les universités françaises décline de façon inquiétante (annexe 8). Les étrangers représentent 8,6 % du total des étudiants de luniversité, ce qui reste le niveau le plus élevé dEurope, mais la proportion est en baisse rapide depuis 1984, date à laquelle elle était de 14,1 %. En particulier, la proportion détudiants non-européens dans le total des étudiants de luniversité française a diminué de moitié en 15 ans, de 11, 6 % en 1982 à 6 % aujourdhui. On peut trouver à cela mille raisons : les bourses ne sont pas suffisamment attractives ; la recherche des meilleurs étudiants en Afrique et en Asie nest pas faite avec le même dynamisme que par dautres pays ; les conditions daccueil sont parfois rebutantes. Enfin, plusieurs des diplômes universitaires français (tels les diplômes à Bac +2 ou à Bac+4) ne correspondent pas à une durée détudes internationalement reconnue.
b) Les grandes écoles : une machine de reproduction des élites
* Un recrutement de plus en plus étroit : si le nombre délèves des écoles représente une proportion à peu près stable de chaque classe dâge il représente une part de plus en plus faible du nombre détudiants de cette tranche.
Les écoles dingénieurs rassemblent, en 1997, 76.850 étudiants contre environ 5.000 en 1900 (annexe 7) et elles délivrent 22.700 diplômes par an (annexe 12). Elles ne représentent plus que 3,7 % du total des étudiants de lenseignement supérieur contre 14 % il y a un siècle. Il ny a, par exemple, guère plus de polytechniciens par promotion aujourdhui (400 élèves) quil y en avait il y a cent ans (250 élèves), alors que si la proportion des polytechniciens dans la population étudiante était restée constante, il devrait y en avoir près de 50.000 !
*La sélection à lentrée nassure pas toujours ladéquation des formations et des vocations : on entre dans lécole où lon est reçu et pas toujours dans celle qui prépare au métier que lon souhaite.
*Le recrutement des grandes écoles est socialement extrêmement déséquilibré. Malgré des exceptions significatives, les grandes écoles reçoivent en priorité les enfants des cadres de lEtat (administration et enseignement) et de la grande entreprise, qui bénéficient dès lenfance dun soutien scolaire privilégié et dune information privilégiée sur les avenues et les impasses du labyrinthe éducatif. Les statistiques établissent que les enfants de cadres supérieurs et de professeurs représentent près de 50 % des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles contre 7 % pour les fils douvriers alors que ces derniers représentent plus de 37 % des enfants de leur classe dâge (annexe 14). A titre dexemple, on notera que lessentiel des élèves reçus aux grands concours comme ceux de lEcole Normale Supérieure ou de lEcole Polytechnique viennent dune dizaine de lycées. En poursuivant jusqu'à labsurde, on pourrait même sans doute établir que la majorité des élèves des plus grandes écoles françaises ont commencé leur scolarité dans une ou deux centaines de classes maternelles !
Et malgré tous les efforts faits depuis trente ans par les gouvernements successifs, la situation sest aggravée: la part des enfants douvriers et demployés parmi les élèves des grandes écoles a diminué beaucoup plus vite que celle de ces catégories socioprofessionnelles dans la population tout entière. Selon une étude du Ministère de lEducation nationale, si en 1950, 29 % des élèves des quatre premières écoles (X, ENA, ENS, Centrale) venaient des milieux populaires, ils ne sont plus que 9 % aujourdhui, alors quils sont 50 % dans luniversité et 68 % par classe dâge.
La situation est aujourdhui telle quil devient pratiquement impossible à un enfant scolarisé en primaire dans une banlieue défavorisée daccéder à une très grande école. Si une telle évolution se poursuivait, de nombreux groupes sociaux nauraient plus la moindre chance dêtre un jour représentés dans les élites économiques et administratives. Les conséquences pour lunité nationale seraient catastrophiques.
Les grandes écoles ne peuvent influer sur les origines sociales des candidats à leurs concours que par leur degré douverture spécifique aux titulaires des baccalauréats technologiques, où se retrouvent en priorité les enfants des classes moyennes et populaires. Elles le font très inégalement.
L'Ecole Polytechnique, par exemple, nest pratiquement pas accessible aux titulaires du baccalauréat technologique. Elle recrute chaque année 180 élèves des classes préparatoires classiques dites Physique - Chimie (PC) et Mathématiques - Physique (MP), où se trouvent pour lessentiel des enfants des cadres et professions libérales et 20 élèves de la filière Physique et Sciences de lIngénieur (PSI). Par contre, il ny a quun seul reçu par an provenant des classes préparatoires Technologie-Sciences Indutrielles (TSI) ou Physique-Technologie (PT) plus spécialement réservées aux diplômés des formations technologiques du lycée. Centrale, Supelec, les Mines ou les Ponts laissent une plus grande part aux élèves de PSI que lEcole Polytechnique mais les diplômés du baccalauréats technologiques ne peuvent que très marginalement y accéder. Enfin, aucune des plus grandes écoles dingénieurs nest accessible aux détenteurs dun DUT ou dun BTS.
*Lenseignement des grandes écoles dingénieurs nest pas non plus toujours à labri de critiques. Elles attendent de leurs élèves quils sachent raisonner dans des situations concrètes, mais elles se concentrent trop souvent sur un enseignement de science pure, nadmettant pas que lapprentissage des mathématiques et de la physique puisse se faire sur la base dune formation initiale essentiellement pratique et technologique. Aussi lenseignement concret y est il trop souvent négligé. De plus, toutes ne proposent pas aujourdhui des enseignements sur la propriété intellectuelle ou le droit social, pourtant indispensables à une carrière dans lentreprise. On ny développe pas toujours suffisamment les capacités dinnovation et on y ignore encore souvent la préparation au travail par projet. La formation des élèves ninclut pas toujours un apprentissage de la recherche et de ses méthodes de raisonnement. Enfin leurs centres de recherche restent trop souvent à la périphérie de lenseignement.
Par ailleurs, leurs enseignements ne sont pas toujours évalués à intervalles réguliers par des organes extérieurs, même si certaines commencent à être examinées, à leur demande, par le comité national dévaluation. En particulier, les habilitations des écoles à délivrer des diplômes de troisième cycle ne font presque jamais lobjet dévaluations ou de remises en cause, alors même que les habilitations des DEA des universités sont, elles, systématiquement et régulièrement réexaminées.
B) ... confrontée à quatre révolutions
1. Dans les sciences et les technologies
Lévolution des technologies provoquera un bouleversement des modes dapprentissage et de la nature des disciplines enseignées.
Les méthodes pédagogiques vont être très bientôt bouleversées. Les nouvelles technologies permettront de mettre les meilleurs spécialistes de chaque discipline en contact direct, même à distance, avec tous les étudiants de toutes les universités. Cela permettra la mise en réseau des établissements, des enseignants, des élèves. Comme toutes les autres activités humaines, luniversité deviendra " nomade ". Elle ne se résumera plus à un lieu mais elle rassemblera des enseignants et des étudiants géographiquement distants qui pourront étudier, enseigner, échanger, chercher, se documenter, partager un projet sans avoir à se déplacer.
De même, les formes dexercice de la plupart des métiers se renouvelleront de plus en plus rapidement. Elles nécessiteront une adaptation permanente des savoirs, en amont même du système denseignement supérieur. Chacun exercera dans sa vie un nombre croissant de professions et dactivités dutilité sociale, dans des lieux de plus en plus nombreux, avec de plus en plus de responsabilités dentrepreneur et de moins en moins de sujétions de salarié. Même les métiers anciennement manuels - qui pourront encore être exercés sans formation théorique supérieure - comporteront de plus en plus une dimension abstraite, passant par la manipulation dinformations, automatisée ou non. Inversement, la formation scientifique théorique devra faire une place beaucoup plus large à lexpérimentation, condition de la découverte, antidote nécessaire à la plongée dans le virtuel à laquelle chacun sera de plus en plus souvent convié dans le travail et les loisirs.
Même sil est illusoire de prétendre pouvoir donner une liste de tous les savoirs qui seraient nécessaires après-demain, la plupart des métiers exigeront une pratique très aisée de linformatique et de toutes les technologies associées - dInternet au virtuel - la maîtrise écrite et symbolique de trois langues dont la langue maternelle, et une bonne connaissance de lenvironnement international.
2. Dans les liens entre lenseignement supérieur et lEtat
A la différence de la situation qui prévalait il y a peu encore, la fonction des universités et des grandes écoles ne sera plus de se disputer lorganisation du recrutement des cadres de lEtat.
Luniversité et les grandes écoles devront cependant continuer de lui fournir les agents dont il aura besoin. La formation des enseignants par les IUFM et les concours de CAPES et dagrégation resteront une responsabilité majeure du service public denseignement supérieur. A cela sajouteront les exigences multiples de formations nouvelles pour les formes futures du service du public : collectivités locales, associations, organisations internationales, etc.
3. Dans les liens entre lenseignement supérieur et les entreprises
Les entreprises innovantes, qui créeront lessentiel des emplois et des richesses de demain, ne pourront se développer que dans une relation étroite et confiante avec le système universitaire. Là où ces liens seront solides et sans arrière pensée, ces entreprises seront responsables dune part importante de la croissance et de lemploi du pays. Aux Etats-Unis, par exemple, les diplômés et les enseignants dune seule université, le Massachusetts Institute of Technology, se trouvent à lorigine de quelques 4.000 entreprises (pour plus de la moitié créées par des anciens étudiants dans les quinze années ayant suivi lobtention du diplôme et pour une sur six dans les cinq années suivant le diplôme) faisant vivre plus dun million de personnes. Lensemble économique ainsi engendré produit plus de richesses que le pays se classant à la vingt-quatrième place dans le monde par son PIB. Aux Etats-Unis encore, une industrie née entièrement dans les universités, celle des logiciels, est devenue la troisième industrie du pays, devant lindustrie aéronautique et la pharmacie. Une autre, la biogénétique, est en passe den faire autant.
En France, tout reste à faire dans ces domaines. La où les recherches fondamentales menées par des professeurs peuvent être à lorigine de création dentreprises, la France est encore particulièrement peu présente : on ne compte que deux entreprises françaises parmi les cinquante premiers éditeurs mondiaux de logiciels, aucune société française parmi les dix plus gros constructeurs dordinateurs, une seule parmi les cent premières entreprises mondiales dans les biotechnologies et une autre parmi les dix premiers mondiaux dans le domaine des semi-conducteurs. Et aucune de celles qui existent ne sont liées de façon déterminante au système denseignement supérieur, même si presque toutes ont été fondées de près ou de loin par des universitaires.
Si lon veut éviter que des entreprises de taille mondiale ne décident de satisfaire par leurs propres moyens à leurs futurs besoins de formation beaucoup plus quelles ne le sont aujourdhui, les universités devront contribuer à la création dentreprises et à leur développement. Pour cela, elles devront valoriser leur recherche, prendre des brevets, organiser des entreprises en leur sein.
4. Dans le rythme dapprentissage des savoirs
Dans ce contexte, la dichotomie entre formation et vie active na plus de sens. Se former est un travail. On se forme en travaillant. La formation permanente doit devenir une règle. Il faudra, en conséquence, reconnaître et - à long terme appliquer - les trois principes suivants :
*Aucun diplôme universitaire naura plus de légitimité permanente. Au bout dune période de dix à quinze ans, selon les professions, un diplôme perdra toute valeur sil na pas été réactualisé, à la fois par une pratique professionnelle et par un contact approfondi et renouvelé avec létat de la science, au sein duniversité. Les salariés devront être tenus de consacrer une partie de leur temps à une formation en permanence, à luniversité ou ailleurs, sur la base dun projet professionnel établi avec un employeur. Un séjour de quelques mois dans un établissement denseignement supérieur tous les dix ans devra devenir peu à peu la règle, dabord dans les métiers où la tenue à jour du savoir est la plus nécessaire, (tels ceux de la médecine ou des sciences de la vie) puis pour tous les autres.
*Toute formation continue professionnelle méritera rémunération. Lélévation du niveau de qualification des Français doit devenir le principal objectif de la politique économique et sociale de la France. Se former naméliorera pas seulement la valeur professionnelle de celui qui le fait, mais augmentera aussi la capacité à créer de toute la collectivité. En conséquence, toute formation continue dans lenseignement supérieur, effectuée par quelquun privé demploi et visant à accroître une qualification et à favoriser une insertion professionnelle, devra être considérée comme un travail méritant rémunération, comme un investissement stratégique.
*Aucun enseignant ne devra remplir trop longuement la même fonction. La mobilité géographique des enseignants étant la règle, elle devra pouvoir être associée à une mobilité fonctionnelle. Tout enseignant devra, sans perdre son statut, pouvoir changer de poste au bout de quelques années pour occuper dautres fonctions, toujours à lintérieur du service public: enseigner, se former, chercher ou gérer.
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